Efficacité : Transition, le contexte initial
Les énergies fossiles en général, le pétrole en particulier, ont propulsé nos sociétés à un tel niveau de confort et de loisirs. Notre société vise à être le plus efficient possible afin de prospérer. Pour ce faire, elle essaye si possible d’atteindre un optimum absolu avec une efficacité de 25%.
Notre chroniqueur, Thomas Norway, pense que le mot "Transition" ne veut rien dire tout seul car les points de départ et d’arrivée doivent être précisés. Une transition, c’est aller d’un point A vers un point B, d’un contexte socio-économique initial vers un contexte socio-économique final qu’il soit souhaité ou subi.
Commençons par comprendre comment nous sommes arrivées au contexte que nous connaissons actuellement qui sera le contexte initial de la transition.
Croissance et efficience
L’efficience est une mesure du surplus qui est fourni. C’est l’excédent, qui n’est pas nécessaire au maintien du processus initial et qui, de ce fait, peut être alloué à de nouveaux usages.
Surplus = investissements = croissance.
Schéma de deux investissements avec leur surplus annuel.
Ci-dessous, le tableau de l’évolution du nombre d’investissements sur 9 années
En effet, pour l’investissement rouge, il faut attendre 9 années pour économiser 9’000€ et lancer un second investissement alors que pour l’investissement vert, le surplus annuel permet de doubler ses investissements chaque année.
Efficience et efficacité
Toutes les machines sont limitées par des principes thermodynamiques.
Et comme nous le verrons dans "Le Principe du Poète", (le dernier article de cette série), le maximum absolu d’une transformation requiert une efficacité valant 25% de l’efficacité théorique maximale (déterminée par l’énergie primaire).
Il est donc impossible physiquement d’être plus efficient qu’en ce point.
Une efficacité inférieure ou supérieure à 25% est de facto moins efficace
Le pétrole a propulsé nos sociétés a un haut niveau de confort et de loisirs
De très nombreuses énergies (pétrole, soleil, fission, fusion…) ont une efficacité théorique maximale élevée (>85%).
Dès lors, qu’est ce qui explique que les énergies fossiles en général et le pétrole en particulier ont propulsé nos sociétés à un tel niveau de confort et de loisirs ?
Efficience et loisirs
Une fois l’efficience maximale et absolue atteinte, tout nouvel investissement ne peut être que moins efficient, moins rentable.
Dès lors, tout nouvel investissement productif ferait baisser la rentabilité moyenne… que faire donc des surplus ?
Il suffit de les allouer non pas à l’outil de production mais à des activités non productives : les loisirs !
Temps de loisirs et de pétrole
La seconde guerre mondiale a permis d’exploiter le potentiel du pétrole en faisant sauter les dernières limites qui empêchaient les sociétés industrielles d‘atteindre l’optimum de l’efficience.
Une fois les 25% atteints, l’énorme surplus a dû être déversé dans les pays industriels (riches) en donnant naissance aux "Trente Glorieuses". Le confort a explosé tant dans les loisirs que dans les nécessaires acquis sociaux (retraire, chômage, congés payés, éducation…) car pour pratiquer un loisir, il faut également du temps !
Vendre un voyage à une travailleur éreinté sans congé, c’est comme vendre des parapluies au Sahara.
Mais pourquoi le pétrole et pas autre chose ? Pour répondre à cette question, il faut comprendre comment fonctionne une société simplifiée.
Le système simplifié efficace à 25%
Le graphique étudie une société (cadre bleu pointillé) et est composé :
• D’un secteur énergétique en orange
dont l’objectif est de capturer des sources d’énergies extérieures à la société (en noir), de les transformer en vecteurs énergétiques consommables par les machines du système et enfin de les transporter dans le reste du système (100 unités)
• D’un secteur de production de Biens et Services en bleu
qui consomme des vecteurs énergétiques pour produire des Biens & Services utilisables par les autres machines du système (flèches bleues)
• 25 unités sont produites dont 20 auto-consommées : les outils de production
• D’un éventuel secteur des loisirs, en vert
Ces biens et services consommés sont superflus, ils ne sont pas nécessaires au fonctionnement du système. Par exemple, la disparition des services de vidéos à la demande ou l’interdiction du transport aérien de loisir n’empêcheraient pas la société de fonctionner correctement.
On a également les pertes de la production (en rouge), principalement sous forme de chaleur, qui valent 75% de l’énergie fournie au système car le système est efficace à 25%.
Les flux d’énergie
A des fins purement pédagogiques, j’ai pris 1 (Watt) comme valeur de l’unité énergétique de base du flux d’énergie et 100 (watts) comme output du secteur de l’énergie.
Attention, un Biens & Services a aussi une valeur car si produire de l’acier avec une efficacité de 25% nécessite 10 unités alors l’acier vaut 2,5 unités (25% de 10).
Je commence par le chiffre cerclé de mauve, 1 unité, qui est consommée par le secteur de l’énergie afin que celui-ci produise 100 unités d’énergie sous forme de vecteurs énergétiques consommables, donc ce secteur ne livre pas du pétrole brut mais de l’essence, du diesel…
Il est à noter que ce secteur auto-consomme X unités de sa propre production mais X n’a pas d’importance pour l’instant car qu’il vaille un, trente, cent ou un milliard, le secteur de l’énergie fournira quand même 100 unités pour 1 unité investie.
Ensuite les 100 unités produites par le secteur de l’énergie sont consommées (détruites) par les outils de production (bloc bleu) pour générer un total de 25 unités de Biens & Services qui seront consommées par:
• le secteur de la production lui-même : 20 unités auto-consommées. Ces Biens & Services sont nécessaires à conserver les outils de production en état avec une efficacité de 25% via l’entretien, la réparation ou le remplacement. Une machine tombe en panne et se casse au même titre qu’un humain tombe malade et part à la retraite.
• le secteur de l’énergie : 1 unités de Biens & Services efficaces à 25%
• le secteur des loisirs : 4 unités de Biens & Services efficaces à 25%.
L’énergie se tarit
L’énergie devient plus complexe à capturer (épuisement de la ressource) et de ce fait il faut investir plus pour obtenir la même chose.
1 unité investie ne rapporte plus que 50. Dès lors il faut investir 2 unités (1unité de plus) pour en obtenir 100) qui est prise sur les loisirs et de ce fait, la quantité de B&S pour les loisirs passe de 4 à 3 (-25%).
L’énergie se tarit d’avantage
1 unité investie ne rapporte plus 50 mais seulement 20.
Il faut donc investir 5 unités pour en obtenir 100 . Cependant, pour conserver le système fonctionnel, les loisirs doivent disparaitre
Et si ça continue ?
Le Principe du Poète implique que 20 unités sont nécessaires et imprescriptibles pour conserver la même puissance de production efficace à 25% et comme on ne peut plus rogner sur rien d’autre pour augmenter l’investissement dans le secteur de l’énergie alors la société :
Le Corniaud – 1965
Tout d’abord, un organisme ou un système qui atteindrait ce point commencerait par consommer ce qu’il possède (son capital) :
• Os, graisses ou muscles pour un animal
• Infrastructures et services pour une société : protection sociale, éducation, santé, retraite, services publics, chemins de fer, distribution d’eau…
Ensuite, plus le capital se détériore, plus l’organisme dysfonctionne pour finalement s’éteindre en libérant de l’espace pour que d’autres organismes ou sociétés moins puissantes et moins complexes puissent se développer en exploitant les sources d’énergies résiduelles.
Augmenter les efficacités
Pour faciliter la compréhension, ci-dessus, j’avais conservé l’efficacité constante à 25% mais comme exprimé dans la chronique, les sociétés et organismes augmentent leur efficacité pour ralentir la baisse d’efficience. Ceci ne fait que ralentir le processus d’extinction sans pour autant pouvoir l’éviter.
Sans augmentation de l’efficacité
Le coût d’un système de production efficace à 30% est de 24,5 unités et de ce fait le système évolue comme ci-dessous (cadre jaune).
Avec augmentation de l’efficacité
Comme le système est efficace à 30%, il n’y a plus que 70 de pertes et 5 unités sont donc économisées (75 => 70) pour un coût de 4,5 (20 => 24,5)
Donc en augmentant son efficacité de 25% à 30%, le système a limité la baisse des loisirs qui passe de 4 initialement à 3,5 (cadre jaune) au lieu de 3 (cadre rouge)
L’efficacité limite l’érosion de l’efficience.
Cependant, cette stratégie est temporaire car uniquement possible tant que le coût de l’augmentation de l’efficacité est inférieur au gain économisé sur les pertes.
Si passer de 50 à 55% coûte 6 unités en faisant économiser 5% (5 unités) alors cette augmentation empire la situation d’une unité (5 moins 6).
Et réduire X alors ?
Etant donné que les machines utilisées dans le secteur de l’énergie (auto)consomment leur propre production d’énergie, X reflète l’efficacité des machines du secteur de l’énergie.
De plus, les machines du secteur de l’énergie sont déjà à l’optimum d’efficience (25% voir hypothèses supra)
Dès lors, c’est exactement le même principe que pour le secteur de la production ci-avant.
Augmenter l’investissement pour avoir des machines plus efficaces permet seulement de limiter la baisse de l’efficience sans pouvoir inverser la tendance.
Arrivée au contexte initial, actuel
1. L’usage efficient du pétrole a engendré une croissance très importante du système productif en vert.
2. Il y a moins d’investissements efficients ce qui implique que la croissance ralenti et que le secteur des loisirs se développe
3. Le maximum d’efficience est atteint, c’est l’explosion des loisirs
4. Patience.
Une efficacité de 25%
Les organismes et les sociétés visent à être le plus efficient possible afin de prospérer. Pour ce faire, elles essayent si possible d’atteindre l’optimum absolu avec une efficacité de 25%.
Le pétrole, de par ses propriétés, a permis l’explosion de la quantité d’outils de production mais également de loisirs tout en libérant du temps afin d’en user.
La fête fût donc monumentale et inoubliable mais… le pétrole s’épuise, comme toute ressource finie, et l’inéluctable décrue commença dans les années 70-80.
Mais qu’en est-il de la ressource presque inépuisables qu’est le soleil ?
Rubrique de Thomas Norway, spécialiste en systémique de l'énergie. "Je ne suis pour ou contre aucune technologie, je suis pour la compréhension du problème et l’acceptation démocratique des conséquences de nos choix."
Dans cette série spéciale "efficience énergétique"
10. Efficacité : la magie du pétrole
9. Efficacité : produire plus et transporter plus
8. Efficacité : la course mortelle à l’efficacité
7. Efficacité : vers l’infini et l’extinction : Les dinosaures enfin !
6. Efficacité : au début, c’est pas cher
5. Efficacité : le coût de la complexité
4. Efficacité : analogies & astronomie amateure
3. Efficacité : Je ne suis pas gros, je suis efficace !
2. Efficacité : moteur, ça tourne… action !
1. Efficacité : oui, mais c'est cher ! Une perte ou un gain ?