Efficacité : moteur, ça tourne… action !
Par Thomas Norway – En 1865, dans son livre "Sur la question du Charbon" William Stanley Jevons découvre qu'à mesure que les améliorations technologiques augmentent dans le charbon, la consommation totale de cette ressource augmente !
Ce paradoxe porte son nom. Avant d’arriver à l’explication des causes physiques de ce paradoxe, il y a lieu de comprendre comment et pourquoi l’efficacité augmente, quel coût énergétique en est la contrepartie. Voici un premier article, d'une série éclairante sur le sujet de l'efficacité à dévorer pas à pas.
Pour ce faire, dans plusieurs articles que je vous propose, nous allons surtout parler de moteurs en général et puis de gros moteurs en particulier.
Ensuite du contexte qui a permis l’évolution de ceux-ci, du coût de la complexité pour enfin en arriver à parler de temps et de flux d’énergies. C'est dans ces épisodes que je convie. Attention, cela peut paraître un peu technique au début, mais ça devrait le faire.
Alors, roulons des mécaniques et voyons ce qui influence l’efficacité d’un moteur !
Remarque préalable
1) Je ne parle que des coûts énergétiques. L’énergie, qui a été consommée pour obtenir un bien ou un service, je ne parle donc pas de coût économique ou monétaire dans cet article.
2) Efficacité = rendement
3) Un tout grand merci à Françoise, Jean-Didier et Mike pour leur temps et patience de relecteur / correcteur.
L’efficacité
Nous transformons notre environnement, notre milieu en dégradant de l’énergie dans une machine qui va réaliser la transformation en générant des pertes.
Dans le cas d’un moteur :
Ce qui nous intéresse étant la force que va produire le moteur = travail = transformation, l’efficacité d’un moteur est donc la suivante :
Donc l’efficacité augmente quand les pertes diminuent et celles-ci sont très majoritairement sous forme thermique, de chaleur.
L’efficacité théorique maximale d’une machine idéale ne peut être qu’inférieure ou égale à 100% car sinon, on créerait de l’énergie ce qui est interdit par Mr. Univers et ses principes (thermodynamiques).
Et cette efficacité théorique maximale est due à des limites physiques : des matériaux, de la technologie, du milieu ou de la source d’énergie.
Voici quelques limites : Carnot (moteur thermique), Betz (éolienne), Shockley-Queisser (photovoltaïque).
Pourquoi théorique ? Car cette efficacité ne pourrait être atteinte qu’avec un moteur idéal qui nécessiterait un investissement infini comme nous le verrons dans cette série d’articles et
donc, dans la vrai vie véritable, on doit se contenter d’une efficacité réelle moindre.
Le monde entier fait boum, tout avec lui dit boum
Prenons le cas d’un moteur diesel à 4 temps atmosphérique (l’air est aspiré uniquement par le mouvement du piston voir « 1 – admission ci-dessous).
Sur le schéma :
• En haut, les 4 étapes du cycle du piston (la partie mobile) dans le cylindre
• En rouge (1 et 2) les pertes thermiques principales
• En mauve, la hauteur maximale (H) et minimale (h) du piston par rapport au cylindre. Le ratio H/h détermine la détente maximale des gaz (voir ci-après)
qu’on retrouve plus souvent exprimé par taux de compression (h/H)
• En vert, le rayon R du cylindre.
Pour se concentrer sur ce qui va nous intéresser, le principe est résumé comme suit :
le mélange air-carburant brûle très rapidement (explose) en générant un volume de gaz à une température comprise entre 1'500 – 2'500 °C,
cette température maximale détermine le potentiel énergétique et l’efficacité maximale (cf. Carnot).
Cette énergie thermique va être répartie, à titre d’exemple, en
• Une perte (30%) via les parois du cylindre via un refroidissement à eau ou à air (1 en rouge ci-dessus)
• Une perte (30%) via les gaz d’échappement encore chauds entre 500°C et 1'000°C (2 en rouge ci-dessus)
• travail par conversion de l’énergie thermique. Celle-ci génère de la pression qui pousse le piston en augmentant le volume ce qui détend le gaz qui se refroidit. Un peu comme l’alcool ou l’éther sur la peau qui en passant d’un liquide à un gaz (le volume augmente) s’évapore en donnant une sensation de froid.
20 à 40% du travail sera également perdu (pompe, roulement, frottement…) mais ne sera pas traité ici.
Augmenter l’efficacité – pertes cylindre
Il faut savoir que cette perte est obligatoire car si le matériau (acier) du cylindre chauffe trop (>200°C), cela le détériore plus rapidement voire casse le moteur.
Pour réduire cette perte, une méthode consiste à augmenter la taille, le volume du cylindre : faire un gros moteur. Ce que nous verrons dans un prochain épisode.
Une autre méthode consiste à accélérer la vitesse du piston afin de détendre les gaz plus vite tout en réduisant le temps de contact entre ceux-ci et le métal du cylindre.
Cependant, augmenter la vitesse engendre plus de frottement et une usure plus importante qui réduit la durée de vie d’un moteur pour un gain relativement faible car ceci augmente la température des gaz d’échappement.
Une usure plus rapide d’un même moteur va demander un remplacement plus fréquent et de ce fait, augmenter la puissance (le flux) d’investissement.
Augmenter l’efficacité – Pertes échappement
Pour réduire cette perte, il faut diminuer la température des gaz d’échappement. Ceci ne peut être obtenu qu’en augmentant la détente des gaz, en augmentant le ratio H/h.
• On peut diminuer h mais ce point ce sera pas traité afin de garder le même potentiel, une efficacité maximale identique et, ainsi, ne pas complexifier les explications outre mesure.
• On peut augmenter H
L’efficacité va effectivement augmenter en transformant plus de chaleur des gaz en travail.
Cependant et en simplifiant fortement mais en conservant le principe
• La première hauteur H permet de récupérer 1'000°C en passant la température de 2'000°C à 1'000°C
• Doubler la hauteur (2H), permet de récupérer 500°C en passant la température de 1'000°C à 500°C
La hauteur double et donc le volume de matière «double» (~200%) mais deux fois moins de chaleur est convertie. Cet investissement est donc deux fois moins «rentable».
Car, en prime, la puissance du moteur est réduite. En effet, la puissance s’exprime en watt = des joules (de l’énergie) par seconde.
Comme les moteurs H et 2H ont les mêmes caractéristiques et le même potentiel de départ (même volume de mélange et compression) : la vitesse du piston sera identique. Après un instant t, les deux pistons seront à la même hauteur H (voir schéma ci-dessus) mais après cet instant t, le piston H remontera pendant que le piston 2H continuera de descendre et de détendre le gaz.
Le piston 2H doit parcourir à chaque rotation deux fois plus de distance que le piston H et avec la même vitesse, cela prendra deux fois plus de temps pour augmenter l’efficacité de 50%.
Dès lors, si l’efficacité augmente de 50% (X 1,5) mais que la durée double (X 2) alors la puissance de 2H vaut 75% (1,5 divisé par 2) de celle de H.
A potentiel identique, la puissance diminue avec l’efficacité car tout investissement complémentaire ne pourra être que moins rentable que le précédent dû au fait que le potentiel (la chaleur des gaz) résiduel ne peut que décroitre.
En un mot :
Pour un moteur, l’efficacité est la conversion d’un potentiel énergétique en travail qui ne peut être qu’inférieur à 100% et limitée par des principes physiques non négociables.
Pour le moteur, son efficacité maximale sera déterminée par la température maximale obtenue lors de l’explosion et son efficacité réelle sera induite par les pertes thermiques au cours de la conversion.
De plus, on a fait le lien particulier entre la puissance qui diminue lorsque l’efficacité augmente. Cette efficacité qui demande également de «grossir», d’avoir un plus grand volume.
Enfin et en particulier, améliorer l’efficacité peut également réduire la durée de vie et donc augmenter le flux d’investissement car le lien entre énergie et temps est important.
Dans le prochain article: Efficacité : Je ne suis pas gros, je suis efficace !
Rubrique de Thomas Norway,
spécialiste en systémique de l'énergie. "Je ne suis pour ou contre aucune technologie, je suis pour la compréhension du problème et l’acceptation démocratique des conséquences de nos choix."
A méditer
« La liberté n’est que l’ignorance des causes qui nous déterminent » Spinoza
« Moi j'adore l'eau, dans 20 ou 30 ans y en aura plus. J'espère que non.» Jean-Claude Van Damme en 2010. Ses paroles ont été souvent moquées alors qu’on y trouve souvent une philosophie, certes naïve, mais intéressante.