Energie : la Galère de l’énergie solaire
Par Thomas Norway – Le soleil est un astre qui anime les humains depuis fort longtemps au travers d’histoires, de mythes, de religions, de discussions autour de la machine à café et de rêves de sociétés futuristes alimentées uniquement par son énergie infinie et sans conséquence.
Toute la question est de connaître les éventuelles limites physiques à cette énergie primaire bas-carbone qui laverait nos sociétés plus vert que vert et disponible en senteur : dogmatisme, greenwashing ou sobriété. En effet, comme pour tout produit, il faut bien lire les petites lignes car, tôt ou tard, quelqu’un doit toujours payer l’addition.
L’immobilisme végétal
Bonne nouvelle, une technologie systémique de capture et stockage de l’énergie solaire a été développée il y a 400 millions d’années : la plante ! Cette même plante dont la couleur d’uniforme scout n’a d’égal que son immobilisme.
Mais pourquoi donc cette sédentarité ? Le budget R&D végétal de milliards d’individus pendant des millions d’années démontre un niveau de technologie impressionnant : toxines, pigments, huiles, parfums, tanins, et autres molécules organiques complexes que nos sociétés peinent encore à reproduire ou imiter (quand elles y arrivent).
Tout simplement car le mouvement et le déplacement sont un luxe que l’énergie solaire ne permet pas. En effet, c’est un flux faible par unité de surface et intermittent qui nécessite beaucoup d’énergie pour être converti et stocké.
A titre d’exemple, un français qui pratiquerait la photosynthèse devrait environ « prendre le soleil » pendant 6 jours sans bouger pour marcher 10km. Il va sans dire que ne rien oublier sur la liste des courses deviendrait rapidement un enjeu vital.
Se déplacer n’est donc pas rentable et encore moins possible comme loisir car l’exploitation de l’énergie solaire ne permet pas d’excédent suffisant.
Seule la physique d’une fiction comme celle de Tolkien (le seigneur des anneaux) le tolère car comme le dit Merry en parlant des Ents, ces arbres protecteurs se déplaçant dans les forêts : « Les gens disaient qu'il y avait quelque chose dans l'eau qui faisait pousser les arbres ...et les rendait vivants. », ce quelque chose devant probablement être un bidule un peu plus pêchu comme du pétrole ou de l’uranium.
La fée électricité
Les humains sont inventifs et imbus d’eux-mêmes et sont donc convaincus de pouvoir faire mieux que l’équipe R&D ci-avant en moins de 200 ans avec l’effet photovoltaïque.
Premièrement, celui-ci donne une électricité brute de décoffrage qu’il faudra «anoblir» pour la rendre fréquentable dans nos maisons et usines ce qui induira une perte.
Ensuite, étant intermittente et peu stable sur la journée, il faudra soit la stocker ou la transformer pour d’autres usages ce qui induira une autre perte soit apprendre à vivre avec cette intermittence qui rendrait les hivers moins chaleureux et les nuages moins sympathiques.
Enfin, bien que le photovoltaïque puisse être éventuellement compétitif pour l’électricité, c’est bien mais ça ne compense pas tout car cette énergie devrait logiquement «tuer» ses parents fossiles pour le bien de la planète mais vu son prix futur minimal très optimiste de 20$/MWh (hors beaucoup de choses dont le stockage) par rapport à moins de 5$/MWh thermique pour le charbon, le problème freudien des hautes températures industrielles chères à l’industrie lourde risque de plomber les bilans et les autres activités qui en dépendent (métaux, verre, polymères, ciment… environ tout le tissu socio-économique donc).
Dès lors, la quantité de trucs et de bidules disponibles dans les magasins s’en trouverait passablement réduite, ce qui ne serait pas forcément un mal.
Le rendement et le prix du photovoltaïque
Le prix d’achat baisse effectivement car les processus industriels ont été optimisés et les premiers gains sont acquis comme le veut la loi de Pareto. Cela dit, ce calcul économique devrait inclure les centimes additionnels, taxes et autres impôts (actuels et futurs) compensant : les prix négatifs lors de journées d’été très productives, le futur recyclage, les onduleurs, le renforcement du réseau, le futur stockage ou les moyens de stabilisation de la fréquence du réseau.
De plus, «moins cher» ne veut pas dire «pas cher» car le polluant charbon reste et restera imbattable à moins de 5$ le MWh de chaleur et, oh surprise, le charbon est l’énergie principale de la croissance chinoise qui, oh mon dieu, est le premier producteur de PV.
«Comment faire une petite fortune au casino ? En y venant avec une grosse fortune».
Fabriquer une source d’énergie pas trop chère sur base d’une énergie discount est plutôt facile. Se passer du charbon ne se fera pas dans la joie et l’alégresse. Se passer du gaz, avec son prix inférieur à 15$/MWh thermique, sera sans doute plus simple mais pas indolore.
Identiquement, donner un rendement seul n’a que peu d’intérêt et n’est donc pas un argument forcément valable si on ne prend pas en compte les autres paramètres.
Exemple : pour un même investissement financier, quelle option est la plus rentable ?
• 1 panneau avec un rendement de 20% et une durée de vie de 30 ans
• 3 panneaux avec un rendement de 10% et une durée de vie de 25 ans
• 5 panneaux avec un rendement de 5% et une durée de vie de 20 ans.
L’économie, c’est comme les rendements, au bout d’un moment c’est décroissant.
La chine, ce pays altruiste ?
La chine, bien qu’ayant une météo plus adaptée au photovoltaïque que l’Europe et installant une grande production photovoltaïque, continue de baser sa croissance principalement sur le charbon.
Personnellement, si j’avais une technologie qui surclassait les autres, je la garderais presque exclusivement pour mon usage ou je la vendrais à prix d’or.
Enfin, pour les exportations, l’usine du monde n’a pas besoin de ça mais le fait de vouloir dominer le marché et rendre les autres pays dépendants doit bien évidemment être pris en compte.
Donc que la technologie soit moins brillante que vendue ou par soumission économique, l’Europe est en bien mauvaise posture.
Les externalités
L’électricité photovoltaïque est effectivement bas carbone et c’est une excellente nouvelle ! Cependant, le CO2 est une externalité parmi tant d’autres et les conditions environnementales de production pourraient également être regardées d’un peu plus près (pollution de l’air, de l’eau et des sols).
D’autant plus qu’à chaque perte, déplacement, transformation ou stockage, le bilan écologique s’alourdit et ce également pour le CO2. Coucou l’hydrogène «propre».
Une société plus sobre
Une adaptation de la phrase de Merry permettra de remettre l’énergie solaire dans son contexte : «Les gens disaient qu'il y avait quelque chose de noir dans la terre qui faisait pousser les panneaux photovoltaïques ...et les rendait attrayants. »
Il ne faut pas prendre des vessies pour des lanternes car l’énergie photovoltaïque a certes des avantages mais également des inconvénients si l’on souhaite se passer des énergies fossiles qui ont permis son émergence.
Les conséquences évidentes seront un ralentissement de l’industrie et des échanges internationaux qui donneront une société plus sobre, plus lente, plus tranquille ou semblable à l’arbre, plus immobile.
Rubrique de Thomas Norway, spécialiste en systémique de l'énergie. "Je ne suis pour ou contre aucune technologie, je suis pour la compréhension du problème et l’acceptation démocratique des conséquences de nos choix."
Pensées
“L’enjeu de la sobriété est de préserver notre liberté en revoyant nos pratiques pour qu’elles soient durables et nous permettent de continuer à profiter des services qui nous sont indispensables. ” Maxence Cordiez
“Mieux vaut prendre le changement par la main avant qu’il ne vous prenne par la gorge” Winston Churchill
“ Se tromper soi-même est compréhensible. Chacun fait ce qu’il peut pour gérer ses émotions. Tromper les autres est plus grave.” Vincent Mignerot