Trump-Harris: deux missiles incontrôlés face à la crise ?
A huit semaines des élections américaines, Kamala Harris et Donald Trump ont donc croisé le fer en direct à la télévision. Le nombre de téléspectateurs a atteint des records.
L’opportunité de voir "un train" dérailler en direct a décuplé les audiences. Cependant, un autre train a le potentiel de dérailler avant le 5 novembre: l’économie.
Indicateur avancé parmi les nombreux signaux d’alarme, la chute du baril de pétrole, englué dans une économie mondiale à la peine.
Petrole or not petrole ?
L’énergie ainsi que le climat occupent une place subtile dans ces élections. Conscient de l’importance du rôle de l’essence et du gaz méthane dans l’écosystème du pays, Donald Trump s’appuie sur la doctrine du "Drill, baby, drill" afin d’injecter un maximum de carburants bon marché pour stimuler la croissance et réinstaurer la dominance énergétique américaine sur le reste du monde.
En échange de ce bon procédé, il a souhaité recevoir 1 milliard de dollars des pétroliers pour financer sa campagne.
Son opposante se trouve dans une situation plus délicate.
L’aile gauche de son parti ne veut pas entendre parler de faveurs faites aux pétroliers. Du coup, Kamala Harris reste silencieuse sur les questions du climat et de l’énergie. Elle a besoin du soutien des jeunes électeurs dans les Etats pivots mais ne veut pas risquer de s’aliéner les extracteurs de pétrole, de gaz et de charbon.
Les responsables de sa communication pensent qu’il est plus sûr d’éviter de contrarier ces deux parties en éludant complètement ces questions. D’ailleurs, elle se refuse à toute interview sans script préalablement validé et n’a participé à aucune conférence de presse.
Sans téléprompteur, les deux candidats, véritables machines à gaffes, sont totalement incontrôlables, tels des missiles sans guidage.
Durant le débat, évitant toute improvisation dont elle a le secret, Kamala Harris a sagement répété les phrases apprises par coeur lors d'entraînements intensifs. De son côté Donald Trump n'a pu se contenir et rester sur le script de ses conseillers en communication. Au final, ce dernier aura lâché des bombes qui risquent de lui coûter les élections. A suivre.
Une situation économique complexe
Pourtant, parmi les défis du prochain locataire de la Maison-Blanche se trouvent le ralentissement actuel et la crainte d’un atterrissage brutal de l’économie, voire d’une récession, à la suite d’une inflation résiliente, de taux d’intérêt élevés, de mauvais chiffres de l’emploi ainsi que la pression industrielle et géopolitique de la Chine.
Avec une dette de 35 000 milliards de dollars et des intérêts de 650 milliards par an, le fardeau est proche d’atteindre la limite.
Le moteur de l'économie américaine reste l'accès à l'énergie
Ce contexte rappelle 2008, et même si les Etats-Unis sont devenus le premier extracteur de pétrole au monde, il sera nécessaire d’injecter dans l’économie américaine une grande quantité d’énergie bon marché.
Dans cette configuration, le pétrole et le gaz méthane auront la priorité car les énergies renouvelables tendent à accroître la dette, en raison d’un rendement énergétique bien inférieur.
De plus, Joe Biden a fortement entamé la réserve pétrolière nationale pour des raisons politiques et les Etats-Unis sont en pénurie de matières premières stratégiques. Cette situation est à comparer avec celle de la Chine, qui a fait le plein de pétrole, de lithium, de terres rares, d’uranium et de cuivre.
Cette différence de comportement entre une cigale et une fourmi est un défi de plus pour la Maison-Blanche, même si les deux nations se retrouvent simultanément dans une situation économique instable.
On comprend ainsi mieux, l'intérêt des Américains pour le pétrole lourd du Venezuela qui compense la faiblesse du pétrole léger de schiste. Le maintien du président vénézuélien
Nicolás Maduro raisonne comme une mauvaise nouvelle pour Joe Biden. Heureusement que le pays voisin, le Guyana regorge également de ce pétrole lourd si recherché. D'ailleurs ExxonMobil et Chevron, les deux majors pétrolières américaines rapatrient, en exclusivité, cette manne dans les raffineries US.
Transition énergétique
Face à Pékin, Washington a accumulé un retard important dans la transition énergétique et notamment dans le découplement de son économie par rapport aux énergies fossiles. La diminution des extractions de pétrole et notamment d'une qualité qui permet d'extraire du Diesel inquiète le monde des transports ainsi que l'armée américaine.
Du côté des constructeurs, General Motors et Ford s’enlisent dans la production de voitures électriques, déstabilisés par l’agilité et l’accès aux matières premières des Chinois. Ford vient d’annoncer un rétropédalage dans ses ambitions électriques et l’inquiétude pèse sur les emplois. Les secteurs solaire et éolien ont déjà rendu les armes.
Du côté du gaz de schiste, les importantes quantités exportées vers l’Europe pourraient être remises en question afin que cette ressource précieuse soit préservée pour le marché intérieur.
4 Années à venir
Dans huit semaines, le peuple américain aura le choix entre deux types de missiles imprévisibles.
Cet armement sera-t-il adéquat pour naviguer dans le contexte économique et géopolitique pour les quatre années à venir?
Article publié le 12 septembre dans le journal Le Temps
Cette version est allongée et plus complète