Etats-Unis et Europe, le combat politique et énergétique n’est plus le même

Les Etats-Unis et l’Europe préparent leurs élections: Bruxelles va accueillir de nouveaux représentants au niveau continental et, en novembre, Washington choisira son prochain président.

Des deux côtés, les paramètres économiques et surtout énergétiques diffèrent. Les Américains peuvent compter sur leur pétrole et leur gaz de schiste pour alimenter leur économie. Depuis la crise de 2008, le pays n’a cessé d’augmenter ses extractions au point de passer devant l’Arabie saoudite et la Russie.

 

Cette manne permet de soutenir l’industrie locale ainsi que de rester militairement et économiquement la plus grande puissance mondiale. Cette dominance énergétique lui permet aussi de se confronter frontalement à la Chine et de peser face aux pays du Sud global.

 

La croissance a besoin d'énergies

L'Europe subit de plein fouet l’interdépendance entre croissance économique et consommation d’énergie

Sans accès direct aux énergies fossiles et renouvelables et après avoir abandonné le grenier russe, l’Europe subit de plein fouet l’interdépendance entre la croissance économique et la consommation d’énergie. Ainsi, il n’aura fallu que deux années de tarifs élevés des prix du gaz méthane pour voir le secteur industriel allemand tomber en lambeaux et s’expatrier en Chine, en Inde ou aux Etats-Unis, pour y trouver une énergie bon marché et des conditions-cadres généreuses.

Cette transformation reflète la difficulté de composer avec moins d’énergie. Dans ce cadre, les dirigeants européens se trouvent devant l’impossibilité de garantir la croissance économique et de soutenir des industries clés comme l’acier, l’agrochimie, le solaire ou le secteur automobile, porteur de millions d’emplois.

Pour illustrer le fossé qui est en train de se creuser, les Etats-Unis viennent d’imposer de nouvelles taxes, jusqu’à 100%, sur les voitures électriques, les technologies propres et les puces chinoises, et de bloquer l’achat par le Japon d’une aciérie américaine. L’objectif protectionniste est de soustraire des secteurs clés de son économie à une puissance étrangère.

Grâce à ses ressources pétrolières, une électricité bon marché et des subsides ciblés, les Etats-Unis gardent leur position dominante même si leur dette devient un fardeau et alimente l’inflation.

 

L’Europe abandonne les productions locales d’acier, d’engrais et des cleantechs

De ce côté de l’Atlantique, le fabricant de voitures Stellantis qui regroupe 14 marques dont Peugeot, Citroën, Fiat, Chrysler, Opel, Alfa Romeo, Lancia et Jeep, va se mettre au service du constructeur chinois Leapmotor pour vendre en Europe deux modèles électriques made in China. Dès le mois de septembre, son réseau européen effectuera ce grand écart, même si la question des taxes sur les voitures chinoises reste sur la table.

L’industrie européenne va s’expatrier et abandonner les productions locales d’acier, d’engrais et des cleantechs. Le secteur tertiaire devrait prendre le relais notamment dans les domaines de la santé, des services rendus aux particuliers et des loisirs.

Contrairement à l’industrie qui s’alimente en pétrole et en méthane, les services requièrent de l’électricité. Elle ne représente que 20% de l’énergie consommée en Europe et l’interrogation porte sur sa production qui va dépendre de plus en plus de la Chine et de la Russie tant pour les composants solaires et des éoliennes que pour l’accès à l’atome.

Alors que l’Europe ratisse large pour trouver le peu d’uranium encore à disposition, les Etats-Unis veulent arrêter l’importation d’uranium russe qui couvre le 12% du parc nucléaire. Objectif, favoriser ses mines locales.

 

Entre grandeur à retrouver et grandeur à oublier

Si la prochaine élection du président américain repose sur une rhétorique de grandeur et de domination des Etats-Unis dans un contexte de leadership mondial, l’Europe va devoir expérimenter une vie avec moins d’énergie et une augmentation de sa dépendance, tiraillée entre le camp de la Chine ou celui des Etats-Unis. La visite de Xi Jinping en Europe aura souligné ce dilemme.

Dans les années à venir, les thématiques de la grandeur de l’Europe vont être évincées par le resserrement du pouvoir d’achat, de la transformation de l’emploi et de sa place dans le monde. Biden et Trump s’engageront dans un tout autre combat.

 

Article également publié dans le journal Le Temps

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