La course à la dominance énergétique est lancée

Distanciation entre les Etats-Unis et l'Europe, intransigeance Russe face à l'Ukraine, pressions chinoises dans la mer de Chine, menaces d'invasion du Venezuela, l'inventaire n'est pas exhaustif. Sur ces enjeux, l'industrie militaire aimerait se présenter comme antidote.

Cependant, les mouvements tectoniques actuels de la géostratégie mondiale s'expliquent plus aisément avec une grille de lecture centrée sur l'impératif premier d'accéder au pétrole, aux minerais verts et aux terres rares.

 

Le grand-frère américain 

Dans sa nouvelle doctrine de "Stratégie Nationale de Sécurité" publiée au début décembre, Washington pousse l'Europe "à se tenir debout toute seule".

Depuis la deuxième guerre mondiale, les Etats-Unis avaient endossé la position de grand-frère bienveillant afin que le vieux continent bénéficie d'assez de pétrole et de méthane, notamment du Moyen-Orient.

La guerre froide permettait ce luxe.

Aujourd'hui, l'autonomie demandée à Bruxelles implique de ne plus compter sur l'Oncle Sam pour accéder aux hydrocarbures.

On s'en doutait, la réalité arrive. 

Au Moyen-Orient, depuis dix ans, Pékin et l'Asie engloutissent la part dévolue à l'Europe et la Maison Blanche voit son influence diminuer. De facto, ses intérêts se recentrent sur la sécurisation pour sa propre consommation. 

 

La Chine et Etats-Unis entrent dans un duel final

Pékin a subtilement camouflé ses ambitions derrière les sonorités poétiques de la "Route de la Soie".

L'ingénieux système propose un échange entre services contre des denrées stratégiques avec les pays du Sud Global. Si la Chine avait souvent copié ses concurrents, aujourd'hui son concept est repris par ses adversaires.

Ainsi, la Banque Export-Import Américaine a reçu du congrès américain plus de 135 milliards de dollars pour activer le plan de dominance énergétique et stratégique sur le modèle chinois. Ce montant est à mettre en parallèle avec le démantèlement de la US-AID et son budget de 100 milliards de dollars. La pauvreté et la misère du monde n'offrent pas la même rentabilité et la puissance d'un baril de pétrole.

Ainsi l'Egypte et le Pakistan pourraient ouvrir une brèche avec des investissements américains afin de garantir des livraisons de méthane.

Même le français Total Energies pourrait recevoir proche de 5 milliards de dollars pour mieux dessiner les contours américains de son projet de gaz liquide au Mozambique. Sans surprise, l'énergie nucléaire est au centre des préoccupations de Trump, notamment dans les projets d'extraction d'uranium, utilisé pour fabriquer du combustible pour les centrales, dont les flux se sont déplacés vers la Chine et la Russie. 

La Maison Blanche a compris qu'elle devait rompre sa dépendance vis-à-vis de Pékin pour ces ressources qui se trouvent au cœur des secteurs de la défense et de la technologie.

 

Le Venezuela et le Donbass en ligne de mire

Ainsi, l'insistance avec laquelle les faucons de Washington regardent vers le pétrole lourd du Venezuela en dit long. Georges Bush Junior avait trouvé l'excuse des armes de destructions massives pour envahir l'Irak.

Aujourd'hui, l'administration américaine entrevoit derrière une guerre contre le narco trafic, un motif pour remplacer le président Maduro. La garantie des livraisons d'or noir vénézuélien, qui convient parfaitement aux raffineries du Texas, vaut bien une entorse à la bienséance.

Cette obsession des grandes puissances sur les ressources stratégiques trouve un écho dans l'annexion des sous-sols du Donbass. En plus d'un corridor de protection avec la Russie, les minerais de fer, de charbon, de lithium ou de potasse qui s'y trouvent, raisonnent comme une malédiction pour les Ukrainiens.

Vladimir Poutine pourrait recevoir l'aval du président Trump en échange d'un accès au grenier énergétique russe. Les Américains ne peuvent pas laisser à la Chine l'exclusivité de ces gisements. 

 

La puissance militaire dépend de l'accès au pétrole

Les capacités de la Chine ou des Etats-Unis à rivaliser dans la course mondiale à la puissance militaire, à l'industrialisation ou à l'intelligence artificielle dépendra moins de la puissance de calculs, du savoir-faire technologique ou de la précision de leurs armes, mais de l'accès à l'énergie nécessaire à leur développement, leur utilisation et leur maintien. 

 

Article publié dans le journal Le Temps

 

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