La transition énergétique made in Donald Trump
ll n’aura fallu qu’un mot à Donald Trump pour mettre, bien involontairement, en pratique le concept de transition énergétique: "TARIF"!
Dans sa volonté d’égaliser les échanges commerciaux au niveau mondial et particulièrement avec la Chine en instaurant de nouveaux tarifs douaniers, le président américain est non seulement en train de déréguler les chaînes de production, mais également de réduire drastiquement la consommation d’énergies fossiles à travers le globe.
La globalisation fonctionne grâce au pétrole
Les échanges et les traités commerciaux entre les pays ne peuvent en effet fonctionner que grâce à l’omniprésence du pétrole.
L’or noir a permis la spécialisation agricole et industrielle. La situation géographique, le climat doux, une main-d’œuvre spécialisée ou très bon marché ont permis à certains pays de se démarquer, leur donnant l’opportunité d’être ultra-concurrentiels dans la réalisation et la confection d’objets, de machines ou de nourriture.
Le soja du Brésil, les avocats du Pérou, les tulipes du Kenya, les smartphones ou les panneaux solaires de Chine, les habits du Bangladesh sont quelques exemples pour en illustrer des milliers d’autres.
La règle économique est simple. Pour que ce système d’échange fonctionne, il est nécessaire que les coûts de production ajoutés aux frais de transport par navires, avions ou camions, ne dépassent pas les coûts totaux d’une production locale dans le pays importateur. (Lire : Produire plus et transporter plus de Thomas Norway.)
Spécialisation dans l'industrie ou les services et loisirs
A ce petit jeu, la Chine et l’Asie sont devenues l’usine du monde. La Chine ainsi que l'Inde ont largement pris soin de réserver sur les marchés le pétrole, le gaz-méthane et le charbon pour alimenter leurs entreprises.
Tant l’Europe que les Etats-Unis ont vu leurs industries fondre comme neige au soleil. Leurs emplois ont été transférés dans le secteur des services, plus gourmand en électricité qu’en pétrole.
Faire revenir les industries en Europe et aux Etats Unis ? Les consommateurs européens et la génération Z américaine veulent porter des Nike, pas les fabriquer !
D'ailleurs le site chinois, à très bas prix, Temu propose : "Achetez comme un millionnaire". Pas sûr que les consommateurs veuillent acheter plus chers et de meilleure qualité. Aujourd'hui, l'important est d'assouvir ses pulsions d'achats et s'assurer des décharges de dopamine. Pourtant, cette surconsommation et ces déchets pourraient atteindre leur pic.
L'inquiétude des pétroliers
De l’énergie, le système économique en consomme de plus en plus. En 2024, le monde en aura utilisé 2,2% de plus qu’en 2023.
Mais cette hausse infinie, notamment du pétrole, est remise en question pour des raisons géologiques. La baisse à venir des quantités de pétrole à disposition impliquera une diminution des transports, et une potentielle réorganisation de l’économie mondiale.
En s’attaquant aux rouages du commerce, et certainement sans le vouloir, Trump devance ou accélère ce processus.
Du côté des pétroliers, c’est l’incertitude. Les échanges internationaux représentent 60% du PIB mondial. Comme la demande de pétrole est intimement liée au PIB, si l’économie ralentit, il en va de même pour l’or noir.
En moins de temps qu’il ne faut pour l’écrire, Trump a fait chuter le prix du baril. Au lieu de flirter à 70 dollars, il se retrouve à 60 dollars à New York.
Un baril moins chers inquiètent les pétroliers comme Exxon, Chevron, Pionneer
Les pétroliers de schiste américains redoutent justement une baisse du baril sous cette barre des 60 dollars.
En dessous de ce prix plancher, la rentabilité n’est plus assurée et ils devront freiner leurs extractions.
Dans le plus grand gisement du monde, le Bassin Permien au Texas, les meilleurs réservoirs arrivent à leur terme et les entreprises s’attaquent à des forages de deuxième catégorie, moins rentables. De plus, avec la hausse des tarifs douaniers pour l’acier et les autres composants importés, les coûts des installations et des pipelines vont mécaniquement grimper.
Quand le prix du baril de pétrole descend, c’est une bonne nouvelle pour les consommateurs mais une catastrophe pour les producteurs. Quand il monte, c’est l’inverse. Voilà tout le dilemme de Trump.
Le prix du baril de pétrole est un signe avancé de l'Economie mondiale. Si le baril devait passer sous la barre des 50 dollars, la récession ne sera pas loin. A surveiller de près.
Le Professeur Trump
La fin de l’histoire n’est pas encore écrite. Si le pétrole n’a pas dit son dernier mot, Trump non plus!
Quoi qu'il en soit, nous entrons dans une nouvelle ère. Un monde où le pétrole devient de moins en moins infini, et les dirigeants les plus affûtés l’ont bien compris.
Ce n’est pas un hasard si la Chine et les Etats-Unis sont en train de bouger leurs pions pour garder un accès au Moyen-Orient, en Russie, aux deux pôles et même au Groenland.
Si jusqu’ici aucun pays n’a voulu se lancer sérieusement dans la transition énergétique, c’est parce que l’addiction au pétrole nécessite des décisions et des changements très douloureux.
Peut-être que pendant quatre années avec Donald Trump comme professeur, elle deviendra une évidence. C’est dans les crises que les systèmes évoluent.
Article publié, le 24 avril dans le journal Le Temps et LeTemps.ch
Cette version est plus longue que la version publiée