Israël et Iran, quand le pétrole s’emmêle

Est-ce qu’Israël ciblera les installations pétrolières et gazières de l’Iran? L’Iran réussira-t-il à bloquer les livraisons d’énergie aux Occidentaux qui soutiennent Netanyahou?

La réponse à ces questions fait partie de l’incroyable pelote géopolitique du Moyen-Orient. Personne n’ose la démêler de peur d’ouvrir une boîte de Pandore. Même si entre Gaza et le Liban les morts se comptent en dizaines de milliers, il est cruel de constater qu’ils ne sont que des effets de bord d’un jeu à bandes multiples et simplement pas de taille à concurrencer les raisons d’Etat et la dépendance au pétrole.

 

Des négociations difficiles

Hasard du calendrier, les deux plus grands greniers énergétiques au monde, le Moyen-Orient et la Russie, sont impliqués dans des guerres dont la complexité gèle toute résolution.

Habiles négociateurs, l’Iran et la Chine n’ont pas d’adversaires à leur niveau à travers le monde. Du côté d’Israël, c’est dans la gestion du chaos que le pays a forgé ses relations internationales et les Etats-Unis dans leur puissance militaire. L’histoire a infusé des ADN différents qui augmentent les niveaux de testostérone.

 

Pas d'embargo pour les pays qui soutiennent Israël

Dès l’entrée des Israéliens dans la bande de Gaza, Téhéran a demandé aux pays islamiques de l’OPEP d’imposer un embargo sur les livraisons de pétrole aux pays qui soutenaient Israël. Cette méthode avait fonctionné à merveille en 1973 et déclencha le krach pétrolier avec une hausse des tarifs. En 2024, cette proposition n’a pas été suivie d’effet.

Economiquement à la peine, la Chine ne peut pas se permettre une hausse des prix des hydrocarbures.

Pour la Maison-Blanche qui redoute l’élection de Trump, une augmentation des carburants serait politiquement et économiquement désastreuse.

Facteur contraignant, les Etats-Unis et l’Europe ont décidé de se passer du pétrole russe. Depuis, les solutions de rechange font cruellement défaut. Ce n’est donc pas le moment pour Israël d’embraser un pays pétrolier car l’effet pourrait être démultiplié.

En effet, l’Iran a mis au point une tenaille pétrolière maritime redoutable. Alliées aux houthis du Yémen, ses milices ont la capacité de disrupter le trafic naval pétrolier dans la mer Rouge, même si les Etats-Unis et leurs alliés, dont l’Angleterre, ont dépêché leurs flottes militaires. Il y a quelques semaines, un missile a touché un tanker pétrolier. Le message est explosif.

L’Iran contrôle également le détroit d'Ormuz, seul passage maritime pétrolier du golfe Persique vers le reste du monde. Conscients de ce risque, les Emirats arabes unis et l’Arabie saoudite ont réalisé des pipelines pour échapper à cette menace.

 

La Chine prend sa place au Moyen-Orient

Pour apaiser la réponse d’Israël, la Maison-Blanche vient d’annoncer un nouvel embargo contre les tankers iraniens à destination de la Chine. Le signal laisse supposer un accord secret entre Joe Biden et Benyamin Netanyahou.

Force et faiblesse de l’Etat hébreu, il extrait du gaz méthane des gisements offshore de Leviathan, à proximité et dans les territoires palestiniens et libanais. Ce gaz revendu à la Jordanie et à l’Egypte permet à Israël de contenir ses deux voisins. Une étincelle iranienne pourrait changer la donne.

Quant à la Chine, elle s’impose comme l’acteur clé du Moyen-Orient notamment grâce à sa "Route de la Soie" et ses collaborations commerciales avec les pays qui se trouvent sur son chemin.

Pékin a réussi le tour de force de rétablir les relations diplomatiques entre Téhéran et Riyad et avec la Russie, ils ont invité dans les BRICS l’Iran, l’Arabie saoudite et l’Egypte.

Si l’Iran s’est empressé de devenir membre et de se mettre sous protection sino-russe, Riyad n’a mis qu’un pied dedans, l’autre restant aux Etats-Unis. Washington protège encore militairement l’Arabie saoudite en échange de son pétrole.

 

Les Etats-Unis esseulés

Cette bascule vers l’Eurasie signifie pour les Etats-Unis qu’Israël est devenu son allié le plus solide au Moyen-Orient.

L’Etat hébreu leur permet de rester au cœur du système et une menace pour les pays qui voudraient limiter les livraisons pétrolières. De plus, sa diaspora offre une source de financement dans un système politique américain toujours plus gourmand.

Qui osera tirer sur cette pelote ou sur le pétrole ?

 

NB: Suite à cet article dans la nuit du 25-26 octobre, Israël en a profité pour riposter face à l'Iran. Comme prévu, les installations pétrolières et gazières furent épargnées. Le baril de pétrole chuta pour passer de $72 à $68 à New York.

 

Article publié dans le journal Le Temps

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