Allemagne vs France : mais en fait, d’où qu’on vient ?

Par Thomas Norway –  Suite aux rounds technique et législatif, on constate que les Etats membres de la désunion européenne essayent de tirer la couverture à eux en voyant midi à leur porte dans une sympathique querelle de chapelle pour essayer d’arriver en haut de la montagne Quilohouateur avant les autres afin d’avoir accès au maximum d’énergie bon marché pour faire tourner son industrie à soi et contenter les votants nationaux.

Tout ça, avant les autres car le stock et le potentiel sont limités.  

 

En parlant de ça, je conseille d’ailleurs très vivement « Or noir, la grande histoire du pétrole » de Matthieu Auzanneau.

Cet aparté étant fait, la question subsidiaire est de savoir si la montagne en question est bien la destination finale ou si c’est juste une montagne banale qui en cache une autre.

Et une petite analyse rétrospective des étapes précédences qui roule, une !

 

De quoi on vient ?

La Banque Mondiale donne des informations à ce sujet et disponibles ici :

Et remises en euros constants de l’année 2021 pour plus de facilité. 

 

La moyenne des prix sur la période 1980 – 2019 est de :
    • Gaz : 19€ par MWh
    • Pétrole : 28€ par MWh
    • Charbon : 9€ par MWh

Cette moyenne surestime les prix car elle intègre des prix surélevés par trois crises : fin du second choc pétrolier, bulle internet et subprimes.

De plus, ce sont des prix de gros ou prix de marchés et qui intègrent une « rente ». De ce fait, ce ne sont pas des prix techniques qui permettent une comparaison correcte.

Le prix technique est le prix qui permet à une source d’énergie de perdurer.

 

La rente fossile

Au contraire de la production des éoliennes et des panneaux photovoltaïque qui, comme toute production industrielle, donne une marge, ceux qui exploitent les énergies fossiles, reçoivent une manne financière importante sans trop se fatiguer.

Cette rente fossile permet d’acheter la paix sociale et/ou d’avoir un train de vie supérieur en achetant des tas de trucs à ceux qui ont besoin d’énergie sans avoir à les produire.

Exemple 1 :
Si un pompiste me vend 10 litres d’essence à 20€ pour aller lui chercher un colis et qu’il me paye 30€ pour le faire, il aurait pu directement :
- Me donner les 10 litres d’essence plus 10€
- Me donner 15 litres d’essence.

C’eut été la même chose : j’ai échangé mon temps contre de l’énergie au bénéfice de celui qui en dispose.

Exemple 2 :
L’Europe achète du pétrole au Moyen-Orient et les moyen-orientais achètent des sacs Vuitton, des avions de ligne ou des rafales, des hôtels Rue de la Paix, des Ferrari, des chars léopards ou, hypothétiquement, une présumée innocente vice-présidente de Parlement. Les moyens-orientais peuvent également acheter des bidules à d’autres pays qui vont à leur tour acheter des choses en Europe.

L'argent donné est donc rendu car il revient dans l’économie nationale, il circule et le prix de marché de la Banque Mondiale doit être revu à la baisse afin d’obtenir une estimation du prix technique qui permet une comparaison correcte. 

Le rapport du Shift Project «Pétrole : quels risques pour les approvisionnements de l’Europe ?» donne des prix d’extraction du pétrole qui permettent d’estimer que, en moyenne, le pétrole coûtait à extraire environ 50% de son prix de marché.

Donc, la rente fossile serait en moyenne d’environ 50% du prix du baril et le prix technique moyen du MWh sur la période 1980-2019 était de 14€ 2021.

Pour le gaz et le charbon, ceux-ci étant plus complexes / techniques à délivrer, ils sont plus «coûteux » et la rente de ces énergies est inférieure :
    • Le gaz en considérant une rente de 35% : 12€2021 le MWh
    • Le Charbon en considérant une rente de 10% : 8€2021 le MWh

Le prix moyen technique des prix sur la période 1980 – 2019 en euro de 2021 est donc de :
    • Gaz : 12 € par MWh
    • Pétrole : 14€ par MWh
    • Charbon : 8€ par MWh

 

Le coût des commodités

Le prix des énergies, c’est bien. Le prix de leur usage réel et utile, c’est mieux !

On ne consomme pas directement des énergies fossiles, on les donne à des machines qui nous rendent des services nécessaires, sympathiques et agréables. 
Le prix des commodités énergétiques s’estime en divisant le prix d’achat technique par l’efficacité de conversion.

Exemple : une voiture fournit un travail mécanique utile (transport) en me trimbalant du point A au point B. La voiture à pétole ayant un rendement de 25% en moyenne, le prix de la commodité « travail mécanique » est donc de  14€ (prix technique du pétrole) divisé par 0,25 (25%) = 56€.

On obtient donc ci-dessous les coûts pour les ménages et les entreprises (exprimés en € par MWh) :
    • Électricité : 
        ◦ Au gaz avec un rendement moyen de 40% (12€ / 0,4) = 30€
        ◦ Au charbon avec un rendement moyen de 30% : 25€

    • Transport : 56€

    • Chauffage et chaleur industrielle haute température : de 8 à 14€ (= le prix des combustibles vu le rendement de près de 100%).

Compléments :
Pour l’électricité : le prix moyen réel doit être largement revu à la baisse (moins de 20€) grâce ou à cause des autres moyens de production d’électricité historiques : le nucléaire et l’hydroélectricité dont les coûts techniques sont nettement plus faibles et représentaient plus de 40% du mix électrique jusqu’en 2010 en UE27.

Pour la chaleur : les combustibles produisent presque intégralement de la chaleur et leur rendement est donc de 100%. Le fait d’améliorer le rendement d’une chaudière, d’un haut-fourneau ou d’isoler un bâtiment n’influence pas le rendement mais uniquement la quantité consommée.

 

Le 30 piteuses

A la suite des 30 glorieuses (1945 – 1975) succéda «les 20 ou 30 piteuses», période caractérisée par une réduction de la croissance, un endettement des Etats et une augmentation du chômage.

Pour la France :

 

Les prix techniques depuis les années 1980 n’ont pas permis d’augmenter ou simplement de maintenir la croissance économique et le confort réel des ménages, seul l’endettement des pays a permis de maintenir l’illusion.

Les pays européens viennent donc de franchir plusieurs cols de plus en plus pentus et le peloton ferait peut-être bien de se demander ce qui se passe plus loin, c’est à dire le col que nous sommes en train d’attaquer, celui de la transition. 

 

Hors-série de Thomas Norway, spécialiste en systémique de l'énergie.  "Je ne suis pour ou contre aucune technologie, je suis pour la compréhension du problème et l’acceptation démocratique des conséquences de nos choix."

 

Et pour terminer : 
" Dis-moi d'où tu viens et je te dirai qui tu es" Jean-Michel Enpannedecitation mais pas en manque de vaillants relecteurs que je ne remercierai jamais assez : emoji cœur vert qui sourit avec des étoiles dans les yeux

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