Germany versus France : première manche

Par Thomas Norway – Qu’impliquent plus largement les choix énergétiques pour l’industrie, le transport, les ménages ?

Car l’électricité, c’est bien mais ça ne fait pas tout car nous consommons des énergies directement et indirectement. En effet, l’arbre à smartphones et les semis de lave-linges, c’est comme un kamehameha… ça ne marche pas bien, même si on en rêve et qu’on aurait hypothétiquement essayé avec fougue et conviction étant gamin… Petit tour des différentes productions d'énergies entre la France et l'Allemagne.

 

Les prix

Attention, un prix peut en cacher plusieurs et il ne faut pas confondre le prix affiché et le prix réel. En effet, le prix affiché contient des taxes et autres TVA pour l’Etat.

De même il contient du salaire national qui revient dans l’économie nationale et donc à l’Etat qui peut construire des routes, écoles ou payer des médecins, éboueurs ou gendarmes… bref des tas de trucs intéressants.

Pour cet article, les prix indiqués sont hors salaires, taxes et intérêts d’emprunt car comme ils le disent à la télé : "Emprunter de l’argent coûte aussi de l’argent."

 

Comparaison prix France-Allemagne

 

Le prix des EnRV

Ci-dessous sont repris les prix passés et les prix futurs en moyenne UE des EnRV (Energies Renouvelables Variables) :

    • Photovoltaïque : 30€/MWh et on se dirige vers 15€/MWh en étant optimiste. Il décroît grâce à l’optimisation de production et au prix du charbon chinois

    • Eolien : 20€/MWh et on se dirige vers 35€/MWh. Il croît à cause du cherry picking (les sites les plus intéressants sont exploités en premier)

 

Hypothèses de calcul: Le prix des EnRV avec stockage

Vu la variabilité (l’intermittence), une partie de l’électricité est consommée directement, une autre est stockée ou convertie et le reste est perdu par écrêtement :

Les hypothèses de calcul utilisées :
    • 5% est perdue pour éviter de développer du stockage qui ne serait pas rentable
    • 50% de PV et 50% d’éolien pour une moyenne de 25€/MWh
    • 50% de stockage batterie et 50% via hydrogène
    • La moitié du stockage batterie est lié aux voitures et repris comme « gratuit » et sans perte. 
    • Le surcoût très optimiste du KWh restitué par une batterie : 25€/MWh pour un prix de batterie 50€/KWh (150€ en 2023) et une durée de vie de 20 ans.
    • Le rendement de production et stockage de l’hydrogène : 50% et donc 50% de l’électricité est perdue dans le processus
    • Cet hydrogène pouvant être converti dans une centrale à cycle combiné avec une efficacité de 50%, ce qui donne un surcoût de 75€/MWh

 

Le prix moyen annuel de l’électricité

Alors le prix moyen annuel de l’électricité (toujours hors salaire, taxes et intérêt) peut être estimé et donné ci-dessous pour trois cas de figure selon le pourcentage d’électricité consommée directement (sans stockage), le complément étant restitué par les moyens de stockage repris dans les hypothèses avec un surcoût :
    • Si 50% de l’électricité est consommée directement alors le prix du MWh moyen annuel est de 48,2€
    • 70% donne un prix du MWh moyen annuel de 39,4€
    • 90% donne un prix du MWh moyen annuel de 30,2€

 

Pour se chauffer

En se chauffant avec ce qui se fait de mieux, une pompe à chaleur avec un super coefficient de performance saisonnier moyen ou SCOP de 4, le prix de la chaleur est compris entre 7 et 12€ /MWh.

Auquel on ajoute le surcoût des investissements hors salaires et taxes : pompe à chaleur, chauffage sol, puits ou échangeur qui augmente le prix de 8€ à 18€/MWh pour un total de 15 à 30€/MWh.

 

Pour le transport

Selon le prix moyen annuel du KWh consommé ci-avant, on obtient entre 50 et 80€/MWh mécanique.

 

Pour l’industrie

La réindustrialisation étant pas mal dans l’actu, parlons-en.

L’industrie consomme de l’électricité et de la chaleur haute température difficilement remplaçable avec de l’électricité et inatteignable avec des pompes à chaleur.

Cette chaleur serait obtenue avec de l’hydrogène à moins de 50€/MWh. L’hydrogène ne peut pas être produit uniquement avec du photovoltaïque pour des motifs de stockage et de rentabilité des électrolyseurs.

 

Oui, mais ?

Quelques réponses à des questions et remarques classiques :
    • Et si on choisit de moins consommer ? Le prix au MWh sera identique ou légèrement inférieur (cherry picking amélioré) car tous les éléments donnés sont en pourcentages et donc valables peu importe la quantité. Cependant, le total diminuera : c’est ce qu’on appelle au choix : décroissance ou récession.

    • Et si on mettait beaucoup plus de PV et d’éolien ? Cela augmenterait la consommation sans stockage mais également les pertes (voir hypothèse 1 à 5%). Exemple si on atteint 100% de consommation directe avec 20% d’écrêtement, on obtient un prix de 31,2€.
 
    • Et la biomasse, le bois et l’hydroélectricité ? il faut déjà en avoir et la quantité est limitée.

    • Et produire du méthane à la place de l’hydrogène ? ça ne change pas grand-chose : le méthane coûte moins au stockage mais engendre une perte de conversion H2 => CH4. « Dura physica, sed physica »

    • Pourquoi pas plus de batteries alors ? car la batterie a un « faible » surcoût uniquement si elle est utilisée fréquemment ce qui est incompatible avec du stockage long terme. De plus, les batteries n’aime pas trop le froid et sont moins pertinentes en hiver surtout dans une voiture à l’extérieur.

 

Le prix du nucléaire

L’ancien parc nucléaire français étant déjà amorti, le prix du MWh est d’environ 7,5€/MWh auquel il faudrait éventuellement rajouter le prix de démantèlement et de gestion des déchets si l’Etat français n’a pas pris ou pas suffisamment les devants.

    • Le coût de Flamanville-3 en 2023 est de 13,2 milliards ce qui nous donne 30€/MWh (1.600 MW, facteur de charge de 80% et 40 ans d’utilisation) duquel on retire les taxes et salaires pour un coût maximum de 15€/MWh
    • Auquel on rajoute l’uranium (5€), son traitement (2,5€) et le démantèlement / gestion des déchets (2,5€).
    • La prochaine centrale profitera des déboires de Flamanville-3 et verra son coût réduit de 50% à 70%
    • Si le prix de l’uranium triple, cela engendrerait un surcout de 10€
    • Toujours hors intérêts des emprunts 

Le coût du nucléaire futur devrait se situer entre 15 et 27,5€ du MWh.

 

L’hydrogène jaune

Une centrale nucléaire produit de l’électricité et surtout beaucoup de chaleur et heureux hasard, la fabrication d’hydrogène est endothermique (elle consomme de l’électricité ET de la chaleur).

En utilisant une source de chaleur gratuite (fatale), comme une centrale nucléaire, pour produire de l’hydrogène, l’efficacité optimiste de production et stockage de l’hydrogène passe de 50% à 70% en réduisant les pertes à 30% (cf. hypothèses).

La France étant en retard sur les EnRV : elle peut investir un peu dans du photovoltaïque à 15€/MWh et de l’éolien offshore à 30€/MWh.

En combinant ces investissements avec une bonne modélisation des productions EnRV, la France peut produire de l’hydrogène à moins de 30€/MWh.

Une centrale à gaz n’a pas le même avantage car si elle fonctionne c’est qu’il manque d’électricité EnRV.

 

France vs Allemagne

A hypothèses équivalentes, la première manche donne un bel avantage à la France.

La prochaine manche portera sur l’usage de la réglementation européenne… quel suspens !

 

Hors-série de Thomas Norway, spécialiste en systémique de l'énergie.  "Je ne suis pour ou contre aucune technologie, je suis pour la compréhension du problème et l’acceptation démocratique des conséquences de nos choix."

 

Et pour terminer :
Merci à Françoise pour son temps et ses remarques toujours pertinentes. 
« Who rules the rules, rules the world ! » Celui qui régit les règles, régit le monde 

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