Le délicat équilibre des économies d’énergie 

Par Thomas Norway – Le rôle de l’énergie est parfois totalement contre-intuitif car l’énergie c’est avant tout ce que l’on souhaite en faire ce qui est subjectif et complexe mais également comment on va la faire et ça c’est complexe et objectif mais aussi un gros chouïa subjectif quand même.

Avec les quelques exemples et exercices ci-dessous, cela devrait être plus simple même si il n’y a pas de réponse simple à un problème complexe car tout cela demande du temps.

 

Rappel

Il faut dépenser de l’énergie pour obtenir de l’énergie et de ce fait, certaines sources sont plus rentables que d’autres.

Notre société requiert des investissements très rentables pour assurer notre niveau de vie moyen et supporter les pertes principalement liées aux transports. Rapidement,  la force du charbon soutient la faiblesse de l’avantageux pétrole (voir cet article pour plus de détails)

Notre société a donc besoin d’une rentabilité moyenne donnée et élevée. Dès lors, si on réduit la consommation d’une énergie très rentable, la rentabilité moyenne baisse et le confort moyen baisse.

Analogie : si un portefeuille d’investissements vous apporte 5% en moyenne, en supprimant un seul investissement qui rapporte 20%, le portefeuille rapportera moins de 5%.

 

L’isolation systémique

L’Europe décide d’isoler à tout-va et sans effet rebond et diminue par deux sa consommation de gaz pour le chauffage (rentabilité supérieure à la moyenne) et ce monde virtuel étant en paix et collaboratif décide de ne pas consommer le gaz économisé.

Toute chose égale par ailleurs, pour éviter de très gros problèmes dans les pays dépendants de la rente financière fossile, l’Europe doit acheter son gaz deux fois plus cher pour permettre à ces pays de conserver un pouvoir d’achat équivalent et ainsi éviter un joyeux bordel socio-économique désagréable : révoltes, guerres, (im)migrations, import-export…

Dès lors, l’isolation n’étant pas gratuite, réduire la consommation de gaz engendre une perte de pouvoir d’achat en Europe au profit de l’environnement.

Exercice 1 :
qu’en serait-il d’une rénovation lourde de l’immobilier permettant l’utilisation optimale de pompes à chaleur alimentées par de l’électricité renouvelable intermittente stabilisée avec du stockage (rentabilité légèrement supérieure au gaz-chaleur pour chauffer les bâtiments) ?

Voir réponse en fin d’article.

Réflexion : la chute drastique de la rente fossile durant le COVID n’est pas sans influence sur la guerre en Ukraine.

 

La limitation de la perte

Prendre le temps de comprendre le problème car un gain n’en est pas forcément un ou peut être bien moindre qu’attendu. 
a) Le stockage ne peut que dégrader la rentabilité initiale d’un investissement car c’est une dépense pour limiter une perte :
• Une batterie nécessite de l’énergie pour être fabriquée = perte
• Une batterie stocke et restitue de l’électricité avec une perte = perte
• L’intermittence du soleil et du vent augmente les pertes avec l’augmentation de la capacité des batteries.
• En simplifiant fortement :
        ◦ 1 KWh de batteries restituera : 3 KWh en été et 1 KWh en hiver donc ratio 4 pour 1 et 3 KWh sont perdus en été
        ◦ 2 KWh de batteries restituera : 5 KWH en été et toujours 1 KWh en hiver donc ratio 3 pour 1 et 1 KWh perdu en été
        ◦ La perte se fait donc soit à la production soit au stockage

b) Les déchets organiques sont une perte qui nécessitent souvent trop d’énergie pour être valorisées (transport, séchage…)

c) La cogénération et les réseaux de chaleur : il faut que la perte valorisable rencontre une demande car la chaleur se stocke très mal. Un surplus de chaleur en été trouvera difficilement acquéreur et il sera potentiellement perdu. Si la perte de chaleur est à plus haute température, elle trouvera plus facilement acquéreur mais nécessitera un investissement plus important (isolation, étanchéité…)

d) Les interconnexions électriques (idem batteries) : elles permettent de faire se rencontrer plus d’offres et de demandes. 
    • Soit elles sont surdimensionnées sur la pointe maximum d’échange et elles ne fonctionnent que peu à leur pleine capacité = perte
    • Soit elles sont sous-dimensionnées et les pointes sont perdues = perte

e) L’hydrogène est identiques aux batteries à deux éléments près :
    • Les économies d’échelle sont plus importantes = moins de pertes 
    • Les pertes de transformation sont nettement supérieures = plus de pertes

 

Exercice 2 :
L’ampoule LED consomme moins car elle produit moins de chaleur. Est-ce un bon investissement ?

Les alternatives 
Pour chaque investissement, il faut également le comparer aux alternatives disponibles afin de choisir le plus pertinent.

De plus, si l’objectif est la réduction des émissions de CO2 alors il faut élargir le champ d’analyse ce qui demande de la collaboration, de l’esprit d’équipe et énormément de temps.

Par exemple, il est possiblement plus intéressant d’utiliser votre budget photovoltaïque pour isoler les logements sociaux de votre commune, acheter des tracteurs à gaz et méthaniseurs pour les agriculteurs de votre région ou encore réaliser des infrastructures vélos. C’est une « perte » pour vous mais un gain collectif.

Pour le transport, l’électrification est certes beaucoup plus efficace que le moteur à combustion mais le transport restera toujours une perte qui devra être soutenue par des sources d’énergie supérieures. Alors plutôt que des pneus basse-consommation, acheter et utiliser un vélo est une excellente alternative pour réduire la quantité d’énergie allouée à cette perte.

En plus, le sport, c’est bon pour le moral et la santé. Si l’infrastructure vélo est absente, il est toujours bon de relire les paragraphes précédents ;-)

 

Réponses
1) Ces investissements augmentent la rentabilité moyenne, il y a donc un léger excès sur le long terme qui devrait être partagé entre les pays producteurs et les investissements qui ont été réalisés (rénovation, isolation, pompes à chaleur, EnR, batteries…). Cependant, la rentabilisation de l’investissement initial est longue et difficile et doit donc être bien comprise : pertes à court terme et gain à moyen/long terme.

2) L’ampoule à incandescence est très facile à produire et recycler mais est inefficace pour produire de la lumière et perd beaucoup de chaleur. Cependant, en hiver, il y a moins de lumière naturelle et il fait plus froid donc ici la chaleur n’est pas une perte. De plus, si on considère les externalités de production et de recyclage du bijou de technologie qu’est une ampoule LED, son intérêt reste clair mais est nettement moins brillant.

 

Conclusions

Les énergies renouvelables sont nécessaires pour une éventuelle transition énergétique mais pourront peu probablement nous rendre les mêmes services que les très rentables énergies fossiles.

Ne pas vouloir suivre ce principe de précaution vient avec des risques majeurs. Parieriez-vous la vie de vos proches, de vos enfants sur des modèles théoriques et des pronostics optimistes juste pour pouvoir continuer à consommer ?

Dès lors, pour éviter de se prendre un éventuel mur que l’on aurait pas vu ou pas voulu voir , Il faut prendre le temps :
• Celui qui permet de comprendre, calculer, comparer, analyser afin de faire les meilleurs choix collectifs.
• Celui qui permet de comprendre ce qui est utile, nécessaire ou superflu 
• Celui qui permet de se comprendre et de comprendre les autres, ceux qu’on côtoie, qu’on rencontre ou ceux qu’on ne voit jamais dans des pays lointains.
• Celui de se faire entendre le plus démocratiquement possible
• Celui qui permet de l’apprécier seul ou accompagné et de ne pas le laisser filer pour des choses futiles.

 

Rubrique de Thomas Norway, spécialiste en systémique de l'énergie.  "Je ne suis pour ou contre aucune technologie, je suis pour la compréhension du problème et l’acceptation démocratique des conséquences de nos choix."

Pour terminer cette rubrique : un moment de silence assourdissant à prendre pour soi. 

 

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