Les moulins d’acier et de béton
Par Thomas Norway – Le soleil en direct ça donne des coups de soleil, des arbres, des trucs comestibles et des masses d’air chaud qui sont remplacées par des masses d’air froid et vive le vent. Selon le lieu, la saison, l’heure et l’âge du capitaine, il y a plus ou moins de vent et plus ou moins souvent ce qui implique une rentabilité spécifique à un lieu donné. Tout ça pour dire que le vent, c’est comme les montagnes, y en a pas partout pareil.
Oui mais donc, est-ce que ces moulins d’acier changent la donne pour la transition énergétique ? Et bien ça dépend…
Les moulins d’acier
Une éolienne, c’est surtout (en poids) beaucoup d’acier (et de béton pour les éoliennes terrestres) et majoritairement de l’acier (>70%) en ce qui concerne l’énergie pour la fabriquer car faire de l’acier consomme beaucoup plus d’énergie par kilo que le béton et que beaucoup fois beaucoup, ça fait forcément la majeure partie.
Donc, d’un côté on met de l’énergie et de l’autre, on en récupère.
Comme les humains sont intelligents ou fainéants ou les deux, les éoliennes sont placées d’abord aux meilleurs endroits ! C’est ce qu’on appelle du cherry picking, on prend les plus belles cerises et les plus proches avant les autres et pas de bol, le nombre de lieux intéressants est limité.
Un lieu est intéressant si le vent est fréquent (le facteur de charge), puissant (la vitesse en m/s ou le beaufort) et qu’il ne faut pas aller le chercher trop haut car plus il est haut plus il faudra mettre d’acier et de béton.
Donc en moyenne, étant donné le cherry picking, chaque nouvelle éolienne sera moins intéressante que les précédentes car :
• Soit il faut mettre plus d’acier pour obtenir la même quantité de vent
• Soit il y aura moins de vent pour la même quantité d’acier.
Source: Elise Dupont et Hervé Jeanmart -
Global potential of wind and solar energy at the European level (EU 28 countries)
Plus c’est rouge, mieux c’est et « God save the wind ».
On comprend mieux l’engouement du Royaume-Uni pour l’éolien. Reste à voir si UK restera sympathique avec UE(28 moins 1) dans les années qui viennent.
Les promoteurs éoliens ne le cachent pas : "dura physica, sed physica."
Par contre, ces contrariants moulins ont une légère tendance à produire en même temps et pas forcément quand on en a besoin donc : "Installez plus d’éoliennes et passez directement par la case stockage."
Le stockage n’est pas un gain, c’est une limitation de la perte qui rend les éoliennes moins intéressantes pour nos sociétés car :
- chaque nouvelle éolienne sera moins intéressante que les précédentes
- chaque nouvelle éolienne impliquera plus de stockage ou de perte.
En plus, pour compenser les énergies fossiles, il en faut un sacré gros paquet et ça, c’est ballot !
Calcul de coin de table juste sur l’électricité actuelle :
L’UE27 consomme annuellement : ~3.000 TWh d’électricité. Cette quantité d’énergie correspondrait à la production de 136.364 éoliennes de 5 MW (682 GW au total) avec un généreux facteur de charge de 50% et sans considérer le moindre stockage. Pour le moment, UE27 comporte seulement 200 GW d’éoliennes avec un facteur de charge moyen <40%.
Lorsque le vent est fort et constant, l’éolien peut donc être très intéressant économiquement (<50€/MWh voir ci-avant) avec de faibles émissions de CO2. Cependant, étant donné le nombre d’éoliennes requises et les capacités de stockage nécessaires, cette source d’énergie seule ne pourra pas soutenir une société telle que la nôtre et mènera à un séisme socio-économique.
Le salvateur recyclage éolien !
Comme expliqué précédemment, le coût énergétique d’une éolienne est à 70% celui de l’acier neuf mais lorsque qu’on recycle celle-ci pour la refabriquer, son "coût" de production est très fortement réduit (l’acier recyclé consomme ~5 fois moins d’énergie que l’acier neuf).
Dès lors, lors du remplacement de l’éolienne dans 20-30 ans, celle-ci devient très (très) intéressante et ceci même avec du stockage ou sur un site initialement peu rentable et ça c’est une excellente nouvelle !!
Mais uniquement si la société arrive jusque-là sans guerre ou cataclysme environnemental et que ladite société a bien tout prévu pour permettre le démantèlement et reconstruction de tout le bidule (production, transport, stockage…).
Les éoliennes ne peuvent pas être installées massivement sans contrainte importante sur la société sauf si d’une part elles sont soutenues par une autre source d’énergie pilotable "forte" : le charbon ou le nucléaire (en complément des barrages) et d’autre part en réduisant fortement notre consommation d’énergie.
Cependant, si la société arrive à passer ce cap et que la filière complète du recyclage a bien été planifiée alors la société future disposera d’un important surplus d’énergie qui pourra, je l’espère, être utilisé à corriger les erreurs du passé et non pas à continuer à détruire le monde qui l’entoure.
Rubrique de Thomas Norway, spécialiste en systémique de l'énergie. "Je ne suis pour ou contre aucune technologie, je suis pour la compréhension du problème et l’acceptation démocratique des conséquences de nos choix."
Pour terminer cette rubrique et à toute fin utile :