Le nucléaire, la bonne affaire ?

Par Thomas Norway – L’énergie nucléaire est pour le moment une épine de la taille d’un javelin prêt à exploser dans le pied des Français et de leur Président mi-amish mi-licorne. Un objet de discorde pour les allemands qui vont devoir aller au charbon pour argumenter. Un objet d’inquiétude pour pas mal de monde à propos d’une centrale nucléaire prise entre les feux croisés de deux belligérants en mode "c’est pas moi, c’est lui !"

Une monnaie d’échange iranienne, un sushi japonais, un combustible qui se vend à l’abri des sanctions et une bonne occasion pour Jean-Marc Jancovici de sortir l’une ou l’autre punchline chère à son fan-club.

 

Le nucléaire, ça déchaîne les passions autant que les réactions subatomiques et médiatiques. Le nucléaire, c’est le Patrick Sébastien des colloques sur l’énergie, c’est l’ambiance assurée !

Mais au fait, le nucléaire, c’est bien ou pas ?

 

Le nucléaire d’après-guerre

Lors de la seconde guerre mondiale, le Japon est désigné comme martyre de l’effet dissuasif de l’arme atomique et donc, après-guerre, c’est tendance et tout le monde en veut pour montrer qui a la plus grosse ogive ou le plus gros arsenal.

 


Source :  OurWorldInData.org


Néanmoins, un arsenal nucléaire demande du combustible enrichi à ~85% qui demande pas mal d’électricité. Ci-dessous l’estimation haute et basse du pourcentage de l’électricité produite qui a été consommée uniquement à cette fin. La courbe verte donne la production totale d’électricité aux USA en TWh à titre indicatif.

Également, à titre de comparaison, l’énergie de production d’une ogive correspond à minima à la fabrication de 200 chars d’assaut de 50 tonnes et la production de quatre petites ogives équivalent à l’énergie consommée par la fusée Apollo 11 lors de son vol.

 

Main sources: world nuclear association, urenco SWU calculator, EIA, rlg.fas.org, own calculations.

 

En regardant les événements historiques relatifs à cette période, on trouve:
 • Une bulle et un krach boursier en 1962 (Krach_du_28_mai_1962)
 • Une crise du crédit en 1966 (crise-boursiere-1966)
 • La révolte d’une « colonie » sur le prix du pétrole en 1973 (Premier_choc_pétrolier)

L’URSS (voir premier graph) n’ayant pas mieux compris que les USA qu’investir une quantité industrielle d’énergie dans un truc juste pour faire peur se paye très cher.

En plus, pour en rajouter une petite couche, les USA, l’URSS, la France, le Royaume-Uni et d’autres trouvent qu’il n’y a rien de mieux à faire que de produire aussi du combustible pour faire de l’électricité histoire de créer une belle époque
 • Un bon paquet de crises économiques à partir de 1970 (Liste_des_crises_monétaires_et_financières)
 • Seconde révolte des « colonies » sur le prix du pétrole en 1978 (second_choc_petrolier)
 • Chute et dislocation de l’URSS à partir de 1985 (Dislocation_de_l'URSS)

Forcément… si les "puissants" du monde se mettent à faire n’importe-quoi en même temps, ça donne une période peu sympathique économiquement et surnommée : les 20 ou 30 piteuses.

Remarque : les pays qui avaient beaucoup d’énergie hydroélectrique bon marché s’en sont un peu mieux sortis que les autres (coucou la France)

 

La reprise

Deux éléments principaux dans les années 90 :
Tout d’abord, un déstockage massif et au rabais d’ogives nucléaire qu’on peut diluer dans les centrales électriques et produire de l’électricité à pas-cher et dont l’économie avait grand besoin

Ensuite la technologie d’enrichissement par ultracentrifugation qui consomme cinquante fois (50x) moins d’énergie pour la dépense énergétique principale de la filière.

Donc, pour se faire une idée, l’ultracentrifugation a permis au nucléaire civil de passer d’une technologie "faible" – équivalente au photovoltaïque actuel (lire mon article sur le photovoltaïque) mais la pilotabilité en plus – à une technologie nettement plus intéressante que le charbon qui est la source d’énergie qui soutient notre société actuellement.

En prime, cerise sur le gâteau, avec des émissions de CO2 faibles… le nucléaire, une énergie sans défaut ?

 

Les autres éléments à considérer

Bien entendu bien d’autres éléments sont à mettre dans la balance de cette énergie:
 • Après un investissement initial très important, elle générerait de la croissance pour palier la décroissance éventuelle choisie du charbon et des autres énergies fossiles. Croissance qui augmenterait la probabilité d’avoir des centrales bien entretenues, construites, inspectées et démantelées et donc de réduire les risques de cette énergie et de ses déchets. #Ouroboros

 • Mais vu le contexte géopolitique, économique, environnemental et climatique, est-on bien certain que le matériel et le personnel adéquat sera toujours disponible dans les décennies à venir

 • Etant donné ce même contexte, il est également possible que la puissance industrielle de cette énergie soit utilisée à d’autres fins par un despote, une dictatrice ou n’importe quel oppresseur lambda.

 • A l’inverse, un groupe oppressé pourra également prendre celle-ci pour cible

 • Enfin, comme dirait Aurélien Barrau, on peut continuer à raser la forêt amazonienne avec un bulldozer électrique.

 

A suivre

L’énergie nucléaire a été une source importante de problèmes dans la seconde moitié du 20ème siècle et pourrait en apporter beaucoup d’autres si le problème systémique de notre société n’est pas correctement compris.

L’énergie nucléaire peut être une voie de salut si elle est utilisée avec sagesse et justice, si ses avantages sont équitablement répartis entre tous à l’échelle mondiale et enfin si elle est utilisée pour réparer les erreurs du passé et non pour créer celles du futur.

 

Rubrique de Thomas Norway, spécialiste en systémique de l'énergie.  "Je ne suis pour ou contre aucune technologie, je suis pour la compréhension du problème et l’acceptation démocratique des conséquences de nos choix."



Pour terminer cette rubrique :

“À grand pouvoir, grandes responsabilités” proverbe consensuel utilisé par des tas de gens dont l’oncle de Spider-Man

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