Energie : Dans la physique les miracles n’existent pas

Par Thomas Norway - La fin de l’âge de pierre ne s’est pas terminée par la disparition des pierres. La fin de l’âge du pétrole ne se terminera pas par la disparition du pétrole. Cependant, les extractions de gaz et de pétrole, comme dans toutes les autres matières premières, nécessitent de plus en plus d’efforts et d’énergies.

A l’image de la devise des jeux olympiques, la société humaine cherche son énergie plus profondément, plus loin et plus épars. L’efficacité technologique ayant également des limites, on se retrouve devant l’obligation de mettre de plus en plus d’énergies pour en obtenir de moins en moins en retour et ça… c’est ballot.

 

A ce rythme, le confort de l’énergie facile que les pays développés connaissent depuis les trente glorieuses va diminuer et comme dans la physique les miracles n’existent pas, il est temps de se pencher sur l’impact de la diminution du EROI.

 

Qu’est-ce que le taux de retour énergétique (EROI) ?

Le EROI (Energy Return On Investment) ou le moins sexy TRE en français (Taux de Retour Energétique) est l’énergie totale qui sera récupérée par un investissement énergétique. Par exemple, avec l’énergie d’un baril de pétrole vous pouvez en obtenir 100, tout va bien.

Plus le EROI est élevé, plus la rentabilité de l’investissement est intéressante et plus il y a d’énergie "libre" pour faire autre chose que de l’énergie comme des congés payés, des avions, des films, des hôpitaux, des retraites, des universités, des gratte-ciels… et inversement.

Bien entendu, si celui-ci diminue trop (imaginons qu'un baril de pétrole produise moins qu'un baril de pétrole), l’investissement devient un gouffre à d’énergie, une perte.

 

 

Les Scouts pour nous aider

Imaginons un camp de scouts, pas un scout, mais toute une colonie. Pour étancher leur soif, tous les kilomètres, un agriculteur a installé des citernes d’eau. Vraiment sympas ces agriculteurs.

A début, par jour, la tâche d’aller chercher de l’eau est attribuée à un scout. Il passe 4 heures à faire des allers-retours et la vie est belle au camp.

Puis, pas de bol diront certains, ou c’était prévisible diront d’autres, diantre, la 1ère citerne est vide !! La seconde étant deux fois plus loin, il faut donc deux fois plus de temps ou deux fois plus de scouts pour ramener la même quantité d’eau au camp ; sans compter que trimbaler des kilos d’eau sur des kilomètres, ça donne des kilos soif aux porteurs.

On évitera également la solution d’assoiffer les scouts dont la couleur verte rappelle clairement qu’il faut les arroser régulièrement. Et donc, la vie est toujours belle au camp mais un peu moins.

Puis hasard des choses, la seconde tombe à sec puis la troisième, coïncidence ? la septième, complot ? Non, les citernes se tarissent tout simplement. Bref, au bout d’un certain temps, la moitié des scouts doivent aller chercher l’eau. Du coup, sur le camp, il y a moins de scouts pour jouer, cuisiner, préparer les veillées ou réparer les infrastructures et la vie n’est plus du tout belle au camp, certains parlent même de dictature aqueuse et le ciel s’assombrit.

 

Plus d’énergies, pour moins d’énergie

Dans la vraie vie, nous nous trouvons dans la même situation avec l’énergie. Nous sommes en train d’attribuer de plus en plus d’énergies (sous toutes ses formes) pour soutenir la croissance économique mondiale. Comment en sommes-nous arrivés là ?

La logique est simple. Nous avons pris les meilleurs gisements en premier, pour ensuite espérer pouvoir faire mieux ou aussi bien avec ce qui reste. C’est ce qu’on appelle un cherry-picking sur son coulis de techno-optimisme.

Plus on consomme d’énergie pour aller chercher de l’énergie, plus le confort de l’énergie facile diminue car il moins d’énergie « libre » et moins l’énergie est qualitative et quantitative, plus la situation continuera à se dégrader.

 

Entre Cinéma et réalité

Au même titre que le camp scout, il devient de plus en plus difficile d’obtenir l’énergie facile pour soutenir notre société actuelle. Faut-il continuer tête baissée ou freiner ?  Il n’y a pas de bon ou de mauvais choix, il n’y a que des conséquences à connaître et à assumer le plus démocratiquement possible.

En effet, nous avons atteint, voire dépassé, un maximum de consommations. Il va falloir faire avec de manière subie ou choisie. Avec la guerre en Ukraine, l’option subie s’impose à nous.

Penser en silo ou penser uniquement dans le contexte local est une excellente manière d’arriver à de mauvaises conclusions avec de bonnes hypothèses. De plus, imaginer qu’une solution miracle comme nous le vend Hollywood, ça reste du cinéma.

Visualise : il y a un mec qui ouvre une porte et qui dit : "Mister President, j’ai la solution."

Mais dans la vie réelle, le mec ouvre la porte et dit : "Mister President, j’ai la solution mais elle ne va pas vous plaire ni à vos électeurs."

 

 

La magie ?

En fait, les miracles et les retournements de situations fonctionnent bien dans les histoires que les humains se racontent. Avec la thermodynamique, les miracles n’existent pas, le héros se fait attendre et la cavalerie n’arrivera pas.  La physique, ce n’est pas drôle : "Dura physica sed physica," ou comme disait l'Oncle Vernon: "la magie, ça n'existe pas mon garçon."

Du côté politique, tant que la décroissance énergétique ne sera pas largement admise, bâtir un programme ouvertement décroissant est un suicide politique. Un proverbe exprime assez bien ceci "Rien ne sert d'avoir raison, si on a raison tout seul."

 

Rubrique de Thomas Norway, spécialiste en systémique de l'énergie.  "Je ne suis pour ou contre aucune technologie, je suis pour la compréhension du problème et l’acceptation démocratique des conséquences de nos choix."



Pour terminer cette première rubrique:

"On peut raser la forêt amazonienne avec un bulldozer électrique, ça ne pose aucun problème technique." Aurélien Barreau

"Avec une énergie infinie, on peut faire des conneries infinies" Jean-Marc Jancovici

"Ne pas tout dire sur la transition énergétique, c'est potentiellement générer l’obscurantisme d’aujourd'hui et fabriquer ceux de demain."  Vincent Mignerot

 

 

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