Chine: Nouveau leader énergétique mondial
«La Chine a supplanté les Etats-Unis pour devenir le premier consommateur mondial d'énergie». Depuis octobre 2010, cette annonce du directeur de l'Agence internationale de l'énergie (AIE) résonne comme un tournant décisif dans la géopolitique mondiale énergétique. Celle que l’on regardait avec condescendance à l’entrée du nouveau millénaire révèle aujourd’hui des crocs bien acérés.
Une première alarme avait déjà résonné en 2007, à l’attribution du titre peut envié de «plus grand émetteur mondial de CO2». Sa consommation forcenée de charbon pouvait expliquer cette «anomalie». Mais pour un œil averti, il était évident que la Chine, avec un taux annuel de croissance proche de 10% et sa nouvelle classe moyenne, préparait le monde à un changement de paradigme.
Charbon, Pétrole, Gaz, Uranium
Aujourd’hui, la Chine englouti presque la moitié de la production mondiale de charbon pour couvrir les trois quart de sa consommation électrique.
La pression est également soutenue au niveau du pétrole. Avec une prévision de 20 millions de nouveaux véhicules à moteur par an, Pékin voit augmenter sa consommation annuelle de carburant de 4% pour bientôt arriver à 9 millions de barils par jour soit plus d’un milliard de litres quotidiennement.
Ses trois plus grands fournisseurs, l’Arabie saoudite, l’Iran et l’Angola se félicitent d’avoir un partenaire aussi prolixe. Cependant, ils montrent des signes d’inquiétude et se demandent comment ils vont pouvoir suivre le rythme. Bien que l’Iran ait bénéficié de plus de 120 milliards de dollars d’investissement et une technologie made in China, la production n’est pas toujours pas suffisante pour assouvir la soif de Pékin.
Intelligente et brillante négociatrice, c’est entre 10 et 25% du pétrole et du gaz de la Russie, du Venezuela, du Nigéria, du Kazakhstan, de l’Iran et du Brésil, qu’elle a acheté pour les 20 prochaines années au nez et à la barbe des pays de l’OCDE. Pour bien marquer son territoire, elle a financé d’énormes gazoducs qui la relient aux champs gaziers des pays qui l’entourent.
L’uranium suit cette même stratégie d’annexions. Pour assurer le fonctionnement de ses prochaines centrales nucléaires, l’hôte chinois s’est réservé, pour les décennies à venir, une partie de la production du Niger, du Kazakhstan, de la Russie et de l’Australie. La razzia est si importante qu’elle commence à inquiéter le français Areva et les promoteurs de nouvelles centrales dans le monde.
L’argent, une arme de persuasion massive ?
Alors que la demande mondiale de pétrole est en train de s’approcher dangereusement du maximum de production, la stratégie chinoise résonne avec opportunisme et pragmatisme. Les américains avaient misé sur leur armée pour conquérir les champs pétrolifères presque intacts de l’Irak. Après presque une décennie de guerre, ils plient leurs bagages sans avoir réussi à mettre totalement la main sur leur trésor de guerre. Pire, certains champs ont été acquis par le géant chinois Sinopec lors de vente aux enchères en décembre dernier.
Cette déconvenue ne reflète certainement pas le scénario que l’administration Bush avait eu en tête en 2003. Au lieu de s’engager dans de coûteuses opérations militaires et l’envoi de soldats, Pékin utilise son sens tactique, sa diplomatie et son argent pour facilement convaincre là où les armes ont dressé des murs.
La Chine remercie la crise
Pendant que les Américains et les Européens ont englouti leurs budgets dans leurs institutions financières, Pékin a eu les coudées franches pour implémenter librement sa stratégie. De son côté la Suisse s’est attaquée aux problèmes énergétiques avec tout l’enthousiasme du bon vieil adage: «Un bon dossier est un dossier qui dort.» Peak oil
Mais cet appétit gargantuesque d’énergies commence à effrayer l’OCDE, eux qui s’étaient auto persuadés d’être à l’abri pour de nombreuses années encore. Les pays riches ont toujours misé sur la capacité de leur pouvoir d’achats afin de surclasser les pays en développement. peakoil
Aujourd’hui dans un bras de fer économique pétrolier, un automobiliste Suisse ne s’imagine pas perdre contre un rival asiatique. Mais les modifications qu’apportent actuellement la Chine et l’Inde à ce dogme vont certainement ébranler nos convictions. Dans cet avenir qui se rapproche, nous pourrions regretter d’avoir chanté tout l’été au lieu d’assurer petit à petit notre avenir énergétique et d’augmenter notre indépendance face à des matières premières venues de l’étranger. peak oil pic pétroli
Par Laurent Horvath,
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