Pétrole: Russie et Arabie au secours de la Victoire

Ennemi en Syrie et féroces concurrents sur les marchés pétroliers, l’Arabie Saoudite et la Russie ont trouvé un terrain d’entente afin de reprendre la main sur la chute des cours de l’or noir. En compagnie du Venezuela et du Qatar, proposition a été faite de geler leurs productions au niveau de janvier.

Pour entrer en force, tous les membres de l’OPEP devront accepter cette proposition.
Mais derrière cette proposition largement médiatisée se cache une logique. Quoi qu’il arrive la production mondiale de pétrole va diminuer dans les mois à venir.

 

Pour repartir à la hausse, le marché a besoin de juguler les 1,5 à 2 millions de barils/jour (b/j) excédentaires. La proposition actuelle évoque le gel de la production pétrolière au lieu d’une baisse qui serait la condition sine qua non pour inverser la tendance.

Ironiquement aucun des signataires n’est en mesure d’augmenter sa production dans les mois à venir. Seuls l’Iran et peut-être l’Irak auraient la capacité d’accroitre leurs exportations et contredire cet accord de façade surtout que Téhéran désire écouler ses stocks et expédier 500'000 barils de plus sur les marchés.

Voici un tour de table des acteurs:

 

Arabie Saoudite

Les capacités d’extraction du Royaume sont proches du peak et les mois chauds qui arrivent vont détourner les exportations pour activer les installations d’air conditionné. Les records de chaleur de l’été 2015, plus de 74 degrés, font déjà froid dans le dos des ministres du pétrole et du budget et 2-3 millions de baril/jour devraient être engloutis pour le bien-être des saoudiens.

 

Russie

Depuis plusieurs mois, la Russie extrait une quantité maximale de pétrole avec des niveaux record à plus de 10,7 millions b/j.
Cette année, la Russie devrait atteindre son peak oil à cause de gisements vieillissants en perte de vitesse et des investissements insuffisants pour soutenir le tempo actuel. Dans ces conditions, la promesse russe de ne pas augmenter sa production est acquise non sur le plan moral mais sur les aspects techniques et technologiques.

 

L’Iran

A peine libéré des sanctions américaines, le deuxième plus grand producteur de l’OPEP, est mis sous pression par son ennemi naturel : l’Arabie Saoudite.

Dans les coulisses l’Arabie Saoudite et l’Iran se battent comme des marchands de tapis pour écouler leurs productions et la bataille des prix fait rage notamment pour les marchés italien et grec. Pour l’Europe et l’Afrique du Sud, l’Iran offre un rabais de 6,3$ le baril sur le prix du brent comparé à un rabais de 6$ offert par l’Arabie Saoudite.

Grâce à cette stratégie agressive sur les prix, l’Iran tente de regagner les parts de marché perdus durant les années de sanction et lui parler d’une limitation de la production bafoue les promesses d’un avenir meilleur données au peuple.

Qu’importe qu’une hausse de prix couvre un diminution de production, la levée des sanctions doit se concrétiser avec une production pétrolière maximale et non bridée par l’étranger. D’ailleurs, le ministre du pétrole iranien, Bijan Zanganeh, a souligné que le pays ne désire pas abandonner sa part de marché. Mais adroits négociateurs, les iraniens pourront accepter l’accord sur le papier et le rejeter dans les faits.

 

Venezuela

Comme la Russie, le Venezuela possède des installations vétustes en perte de vitesse et seuls des investissements massifs pourraient faire rebondir la production. Mais le pays est en quasi faillite et n’a pas un sous pour investir dans les installations pétrolières. De plus, aucune major pétrolière n’a l’intention de mettre un pied dans ce pays au risque de se faire nationaliser une fois que l’investissement est terminé.

 

Production hors OPEP

La production des USA, Brésil, Mexique, Mer du Nord et du Canada déclinent inexorablement. Le pétrole de schiste, des sables bitumineux et offshore sont à l’agonie.

Après avoir touché les plus petits et les plus faibles, les faillites gagnent les plus grand acteurs du schiste américain comme Linn Petroleum qui laisse, cette semaine, une ardoise à plus de 10 milliards $ ou Chesapeake qui a perdu plus de 90% de sa valeur boursière. Les USA devraient réduire leur production de plus de 1 million b/j d’ici la fin de l’année.

Même la Chine est en train de cesser la production des gisements dont les coûts dépassent les 30$ le baril.

 

Voler au secours de la Victoire

Les chiffres pétroliers sont entourés d’une opacité légendaire et même les membres de l’OPEP jouent à cache-cache. Le Venezuela annonce une production de 2,6 millions b/j alors qu’il aurait de la peine à dépasser les 2,3. L’Irak annonce officiellement 4,5 millions b/j pendant que les chiffres reportés à l’OPEP indiquent 4 millions b/j.

Dans ce grand jeu « je sais que tu mens et je sais que tu sais que je mens », il semble illusoire de pouvoir contrôler quiconque et les implications et enjeux sont tellement complexes que seul le temps montrera un chemin.

In fine, dans les mois à venir, l’offre mondiale de pétrole va diminuer, naturellement et par manque d’investissement. La chute pourrait être plus vertigineuse qu’espérée. Dans ce contexte, la Russie et l’Arabie Saoudite pourront au moins se targuer d’être venues au secours de la victoire.

 

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