Avec les pétroliers, ensemble pour un meilleur futur à la COP28 ?
Dans quelques jours va s’ouvrir la COP28 sur le climat. Alors que les participants préparent leurs armes, la victoire ne devrait pas échapper aux pétroliers et gaziers, d’autant qu’ils vont jouer sur leur terrain : aux Emirats arabes unis et avec leur arbitre, le président de la compagnie pétrolière nationale, le sultan Ahmed al-Jaber.
En préambule à cette rencontre, la stratégie pétrolière mondiale a été dévoilée en septembre dernier lors du 24e congrès du World Petroleum, à Calgary. Les dirigeants ont posé les bases d’un plan facilement compréhensible et calqué sur les principes des géants du tabac.
La démarche est d’autant plus cruciale que l’industrie a réalisé une OPA sur la référence scientifique mondiale qui étudie et tente de contenir le réchauffement climatique.
Le message propose la croissance économique, le soutien aux emplois, un pétrole propre et l’expertise de l’industrie pour faire face aux changements climatiques.
Consommer plus de pétrole et polluer moins
Hier, l’industrie combattait l’idée même que les énergies fossiles étaient responsables du réchauffement climatique. Aujourd’hui, elle prend le rôle d’acteur incontournable pour y remédier et "s’efforce de faire face aux risques du changement du climat afin de construire un avenir moins pollué par le carbone".
L’OPEP, le cartel du pétrole, propose "d’avancer pour un meilleur futur lors de la COP28" tout en extrayant de plus en plus d’or noir.
Pour manier ce paradoxe, la séquestration de carbone offre un outil de communication idéal. Cette technologie n’a pas été choisie au hasard. Ruse de Pénélope, elle permet de donner le sentiment d’avancer vers une solution industrialisable tout en restant continuellement au niveau des balbutiements. Pour les pétroliers, cet état de start-up perpétuel est une aubaine, car seuls quelques millions de dollars entretiennent la flamme d’une solution technologique salvatrice.
Juste avant la conférence, ExxonMobil, Saudi Arabia, Chevron et le fonds BlackRock ont tous annoncé des investissements afin d’être inattaquables sur leur engagement. L’équation qu’elles proposent: consommer plus de pétrole et polluer moins.
Les révolutions se nourrissent de feu et de sang, jamais d’ouate.
L’industrie s’appuie également sur un biais de perception créé par le monde politique. Par souci d’acceptation citoyenne, les gouvernements prônent une transition énergétique heureuse et sans douleur.
Cependant, les révolutions se nourrissent de feu et de sang, jamais d’ouate.
Factuellement, aucune énergie renouvelable n’est capable de générer autant de joules que les hydrocarbures, alors que la croissance économique et les emplois ne pourront être soutenus qu’en augmentant la quantité d’énergie consommée. Cette promesse d’abondance est tenue par les pétroliers depuis plus d’un siècle.
Face à ses difficultés économiques et de paupérisation de sa société, l’Angleterre a déjà renoncé à ses ambitions climatiques alors que pratiquement tous les pays proposent des objectifs assez éloignés dans le temps pour ne pas agir au présent. Entre la fin du mois ou la fin du monde, le choix politique est évident.
Un message pétrolier universel
De plus, la puissance des pétroliers et gaziers réside dans leur capacité à porter à l’unisson le même message à travers le monde des Amériques à l’Europe, en passant par l’Asie.
Le mémo et les financements pour soutenir le message couvrent toutes les strates, des partis politiques aux entreprises et lobbyistes.
Ces derniers seront plus que des centaines à arpenter les couloirs de la COP pour convaincre les gouvernements. Les pétroliers gaziers concèdent en fait un effort pour montrer leur bonne volonté, en proposant de sacrifier le charbon, pourtant membre de la famille fossile. Mais la houille compte sur deux alliés de poids: la Chine et l’Inde qui n’ont aucun moyen de s’en passer.
Les scientifiques se demandent encore comment ils ont pu laisser leur événement tomber dans les griffes de "l’ennemi". Peut-être que l’un des intérêts de la COP28 résidera dans leur capacité à reprendre la main, afin de redonner crédibilité et confiance dans ce type de réunion, histoire d’aller, cette fois, vers un meilleur futur ?
Article originellement publié dans le journal Le Temps.