Energies : Jusqu’ici tout va bien
Au niveau des énergies en Europe, le premier semestre aura contredit les prévisions. Au début de l’hiver, tous les clignotants clignotaient. La période aurait dû être parsemée de coupures d’électricité et de pénuries de gaz. Au final, ce ne fut qu’un long fleuve tranquille.
Les gestionnaires des réseaux et des températures anormalement douces auront fait des miracles. Si cela s’apparente à une bonne nouvelle, l’impact sur la population pourrait laisser des traces. Leur aurait-on menti ou sommes-nous dans une revisite de la fable de Pierre et le Loup ?
Dans les faits, même dans un contexte anxiogène de pénurie, les ménages n’auront pratiquement fait qu’un minimum d’efforts pour baisser leurs consommations d’électricité ou de chauffage.
A l’image de la pandémie du Corona, deux camps se sont formés et s’affrontent à coup d’arguments diamétralement opposés. Difficile de s’y retrouver et l’on peut compter sur ChatGPT et les réseaux sociaux pour attiser les flammes.
L'industrie Européenne et un hiver chaud
Au niveau de l’industrie, les hausses des tarifs auront été plus décisives et l’adaptation plus marquée. Pour les grandes entreprises, les prix énergétiques attractifs et les séduisants subsides de la Chine et des Etats-Unis auront fait murir des envies de délocalisation. Le rythme s’amplifie notamment auprès des plus gourmands.
Est-ce que l’Europe devra se cantonner à n’être qu’une économie de services consommatrice principalement d’électricité ?
La proposition devra être validée.
Pour l’hiver à venir, Bruxelles mise à nouveau sur une période tempérée afin de se tirer d’affaire. Un allié de poids s’est immiscé pour exhausser son vœu, les courants océaniques chauds d’El Nino.
Paradoxalement, la chaleur estivale de cet été est en train de puiser dans les réserves de gaz-méthane pour refroidir nos lieux de vie.
La Russie, le Pétrole
Conceptuellement, la guerre en Urkaine aurait dû priver l’Europe d’hydrocarbures Russes. En réalité, Moscou a repris les bonnes vieilles recettes de l’Iran. Le pétrole et le diesel russes coulent toujours dans les veines de l’économie Européenne.
Dans les coulisses politiques, cette situation, qui évite une pénurie et des prix élevés, arrange tout le monde. Le génie humain n’est-il pas de s’adapter ?
Ainsi l’Arabie Saoudite livre, à prix élevés, des quantités record de diesel à Bruxelles alors qu’elle importe, à bas prix, des quantités toutes aussi importantes via le Kremlin. Dans un contexte d’économie circulaire, l’Europe s’y retrouve un peu car une partie de ces pétrodollars sont reversés aux meilleurs footballeurs retraités du continent, dans l’achat d’entreprises technologiques ainsi que de produits et d’immobiliers de luxe.
Les majors pétrolières face à un choix tactique
De leur côté, après avoir affiché des bénéfices records, les grandes majors pétrolières européennes ont drastiquement diminué leurs ambitions dans les énergies renouvelables.
Leur business model n’est pas de livrer de l’énergie, mais de générer un optimum d’argent.
A ce jeu, le pétrole et le méthane sont imbattables. Cela tombe d’autant mieux que les contestations des groupes comme Extinction Rébellion et les partis écologistes s’essoufflent auprès de la population. L’Europe vire à droite.
Ainsi les BP, Shell et Total ont rejoint les Américaines ExxonMobil et Chevron afin de vendre une quantité record de pétrole. A 102,7 millions de barils par jours, jamais le monde n’a consommé autant d’or noir, d’autant qu’il faut extraire le plus rapidement possible le précieux liquide avant que les véhicules électriques et à hydrogène ne viennent détruire la demande.
Le marché électrique et les mois à venir dans l'incertitude
Du côté de l’électricité, sur les marchés les prix subissent une volatilité folle et questionnent le potentiel d’investissement dans de grandes unités de production. Le mot d’ordre n’est pas de produire encore plus, mais de stocker.
Pour les mois à venir, bien malin qui pourra prédire les cartes que nous aurons en main, entre une possible récession ou un redémarrage de l’économie.
Une chose est certaine, jamais nous n’avons été aussi mal préparé et aussi divisé. Mais pour l’instant, tout va bien.
Article originellement publié dans le journal Le Temps.