L’année 2023 sera-t-elle celle du tournant énergétique mondial?

L’année qui débute possède les ingrédients pour déclencher un tournant majeur dans le monde de la géopolitique. Avec des ressources pétrolières, gazières et charbonnières sur le point de toucher leur niveau d’extraction maximale et une croissance militaire exponentielle, les grandes puissances se repositionnent stratégiquement.

A tâtons, elles avancent leurs pions, telle la Chine qui n’a eu que le choix de sortir de sa stratégie zéro covid pour réinitialiser son économie. ons.

 

Elle regarde l’Inde, qui profite pleinement des rabais substantiels sur l’achat d’hydrocarbures russes et qui affiche une croissance du PIB de 7% en 2022, avec une prévision de 6% pour 2023. Alors que Pékin bénéficie des mêmes largesses de la part de Moscou, sa sous-performance économique ne reflète pas ses ambiti 

A l’opposé, l’Europe contrainte de payer son énergie à prix d’or, craint une récession.

Au travers de pulsions exacerbées par la guerre en Ukraine, et encouragées par les braises soufflées par les Etats-Unis et l’industrie militaire, Bruxelles n’a pas pris l’impact de son désir de se priver des hydrocarbures venus de l’est. Dans une doxa d’un strict respect des règles du commerce international, l’Europe pensa que ses concurrents allaient lui emboîter le pas. Mais au niveau des Etats, l’amitié dans la realpolitik est une notion toute relative.

 

Attirer les entreprises Européennes

Aujourd’hui, avec des prix de l’énergie insupportables, est-ce que l’Europe pourra maintenir son secteur industriel? Devant une telle position de faiblesse et dans la course au leadership mondial, tant Washington que Pékin voient un avantage à courtiser les fleurons de l’économie du Vieux-Continent.

Du côté des Etats-Unis, Joe Biden a mis sur la table une machine à subsides de 360 milliards de dollars afin d’attirer sur le sol américain les entreprises vertes. Cette décision a pris de court les Européens qui n’avaient imaginé ce coup de Jarnac.

Cette stratégie fut-elle planifiée ou émergea-t-elle dans le cours de l’action? L’histoire le dira. Grâce à leurs gisements de schiste, même si cette manne montre déjà des signes d’épuisement aux Etats-Unis, les industriels comptent sur un accès illimité au méthane et au pétrole.

 

A Pékin, la proposition s’appuie sur une électricité à des prix imbattables avec un accès au marché intérieur, même si l’expérience montre que le pillage du savoir-faire reste au cœur du modèle de Xi Jinping. Ainsi BASF a déjà annoncé la migration de plusieurs usines allemandes vers la Chine et la liste s’allonge.

La puissance chinoise déroule. Le constructeur automobile BYD est passé devant Tesla pour le nombre de voitures électriques vendues et les fabricants de batteries électriques CATL et BYD cumulent une part de marché mondiale de 50%.

 

Le petroyuan pour remplacer le dieu dollars?

Mais pour se hisser à la hauteur des Etats-Unis, Pékin doit augmenter sa puissance financière. La visite de Xi Jinping en Arabie saoudite, en décembre dernier, avait pour objectif de combler cette carence.

La rencontre du président chinois avec les dirigeants saoudiens et ceux des pays du Golfe a marqué la naissance du «pétroyuan», qui veut remplacer la monnaie américaine et ses pétrodollars pour l’achat de pétrole et de méthane.

Le rapprochement des producteurs du Moyen-Orient et de la Russie vers l’Asie est historique pour relâcher l’emprise du dieu dollar.

 

L'Europe pourrait imiter la Suisse

Au final, l’Europe pourrait copier la Suisse et réduire son secteur industriel pour se recentrer sur une économie de services moins gourmande en énergie.

Cette option est osée en raison tant des pertes d’emplois impliquées que de sa dépendance aux biens essentiels de consommation, comme l’a démontré la pandémie de covid. Le rationnement de médicaments, de composants électroniques, d’acier ou d’engrais a le potentiel d’ébranler nos sociétés occidentales. La quasi-intégralité des panneaux solaires et une grande partie des éoliennes proviennent de Chine. Il suffit à Pékin d’augmenter d’un cran toutes nos dépendances pour s’immuniser contre une réaction en cas d’assaut sur Taïwan.

En 2023, l’avenir est en marche et on dirait qu’il n’a jamais couru aussi vite.

 

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