Les intérêts de l'Etat Islamique dans le monde du pétrole
L'Etat Islamique retire plus d'un million $ par jour avec l'exploitation du pétrole. Le brut est livré par les camions-citernes qui transitent via la Turquie ou l'Iran. Le précieux liquide est ensuite acheminé en Europe et dans les Balkans. Mais depuis 2 semaines, l'aviation russe et occidentale ont décidé de réduire ce flux pétrolier. Pourquoi avoir attendu si longtemps?
Au beau milieu des plus grandes réserves mondiales, le groupe Islamiste est potentiellement assis sur le moteur économique de la planète avec le pouvoir de tout faire basculer. Quels sont les enjeux géopolitiques et stratégiques?
Irak
Les américains ont renversé Sadam Hussein dont la main de fer dirigeait les différentes ethnies islamiques. Depuis le départ des GI's, le chaos bouleverse le pays. Les tribus sunnites bénéficient de la présence de l'Etat Islamique pour se protéger des milices chiites.
Les chiites d'Irak, eux, ne veulent pas prendre Falloujah ou Mossoul, parce que ça les obligerait à intégrer politiquement les Arabes sunnites, ce que leur demandent les Américains depuis dix ans.
Les milices chiites irakiennes se battent pour leur territoire, donc il est peu probable que l'Etat Islamique s'empare de la capitale Bagdad, même si les extrêmistes s'y infiltrent de plus en plus . Cependant, ils ne veulent pas reconquérir le territoire sunnite pris par l'Etat Islamique.
Selon Olivier Roy, les chiites irakiens ont intériorisé l'idée que l'Etat irakien est une construction artificielle élaborée par les Anglais dans les années 1920 pour mettre les sunnites au pouvoir. Alors, sans avoir forcément le projet de créer une république chiite, ils s'installent dans un provisoire. Ce qui arrange tout le monde.
Iran
Les Iraniens veulent contenir l'Etat Islamique, mais pas forcément l'anéantir, pour ne pas à avoir à administrer un territoire sunnite et parce que son existence lui permet de jouer un rôle capital sur la scène internationale.
Depuis les bombardements russes, l'Iran a l'impression de jouer un second rôle et les victoires sont mises sur le compte de Moscou alors que les troupes iraniennes au sol terminent le travail. On sent un certain grincement des dents iraniens sur le manque de lauriers reçus pour leurs efforts.
Syrie
Bachar al-Assad, qui a eu un moment intérêt à favoriser l'émergence de l'Etat Islamique, aimerait désormais se poser en ultime rempart contre le terrorisme islamique, et regagner aux yeux de l'Occident la légitimité qu'il a perdue en réprimant la population syrienne aussi violemment que son régime l'a fait.
Arabie Saoudite
L'ennemi principal est l'Iran qui est le seul pays assez grand et fort pour questionner l'hégémonie du Royaume. L'Etat Islamique n'est que l'expression d'un radicalisme sunnite qu'ils ont toujours soutenu idéologiquement et financièrement. Ils ne font donc rien contre l'Etat Islamique pour autant que l'IS ne vienne pas les chatouiller au Yemen.
Israël
Le pays regarde avec amusement le fait que des Arabes tapent sur des Arabes et réciproquement ! Israël ne peut que se réjouir de voir le Hezbollah se battre contre des Arabes, la Syrie s'effondrer, l'Iran être empêtré dans une guerre, tandis que la question palestinienne devient une cause secondaire.
Turquie
Erdogan est extrêmement clair : l'ennemi, ce sont les Kurdes.
On ne va donc pas les aider à casser l'Etat Islamique pour renforcer les Kurdes ce qui permettrait au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) de se créer un sanctuaire et de reprendre la lutte armée en Turquie. D'ailleurs, les Kurdes ne cherchent pas à écraser l'Etat Islamique, seulement à défendre leurs nouvelles frontières. Pour les Kurdes d'Irak, la menace principale c'est la reconstitution d'un Etat central fort à Bagdad, qui pourrait contester l'indépendance de fait dont jouit le Kurdistan irakien aujourd'hui. L'Etat Islamique en empêche la création. Des mauvaises langues prétendent que Barzani a laissé Mossoul tomber dans les mains de l'Etat Islamique. Il préfère un Mossoul dans les mains des extrêmistes qu'un Mossoul dans les mains du gouvernement irakien.
Russie
Moscou a toujours été un acteur de premier ordre dans les pays islamiques du Moyen-Orient et pétrolier et les liens avec la Syrie, l'Irak, la Libye et l'Iran sont très solides et perdures dans le temps.
L'Etat Islamique permet à Moscou de remonter sur la scène internationale et de se positionner comme un acteur incontournable avec dans son panier des alliés de poids. Plus la guerre perdure, plus longtemps Moscou jouera ce rôle. Cependant certains territoires islamiques russes pourraient imiter l'Etat Islamique et poser une menace à Moscou.
Chine
Les chinois ont investi lourdement dans l'exploitation de pétrole dans le sud de l'Irak. Tant que l'Etat Islamique ne met pas son grain de sable dans cette belle machine et ne perturbe pas le flux de pétrole, Pékin n'a aucun intérêt à intervenir.
Sources: Olivier Roy. Article de Sara Daniel et Marie Lemonnier