Pétrole, le calme avant la tempête
Depuis que le prix du baril a chuté, les inquiétudes sur les quantités de pétrole à disposition ont pratiquement disparu des écrans tout comme les mots « peak oil » dans les recherches de Google.
Sur le terrain, le sentiment est tout autre. Les faillites s’enchaînent et même l’Agence Internationale de l’Energie s’inquiète. Motif : l’industrie n’est plus capable de faire coïncider offre/demande. Elle n’arrive plus à répondre à l’équation : offrir un prix assez bas pour stimuler la demande et extraire à un tarif assez élevé pour couvrir les coûts d’exploitation.
Ainsi aux USA uniquement, plus de 90 entreprises ont mis la clé sous le paillasson durant les 12 derniers mois et 183 sont dans une position précaire selon Debtwire.
Il y a à peine 10 ans, Exxon Mobil, Chevron et BP devaient expliquer au Gouvernement Américain la raison de leurs profits jugés indécents. Aujourd’hui, les mêmes entreprises doivent s’endetter pour effectuer des forages aux coûts exponentiels. Elles pourraient même être dans l’incapacité de payer des dividendes à leurs actionnaires qui sont de plus en plus nombreux à quitter le navire. C’est ainsi que plus de 500 milliards $ d’investissements ont été biffés et plus de 100 milliards $ engloutis dans les faillites.
La surproduction continuera en 2017
Les nuages continuent de s’amonceler. L’Agence Internationale de l’Energie pense que la surproduction continuera en 2017. Corolaire de cette situation, le maintien du prix du baril sous la barre des 50$ continue de bloquer la relance des investissements.
Découvertes pétrolières depuis 1947
Le niveau touche un niveau le plus bas depuis plus de 60 ans. Source Bloomberg
Un capharnaüm
La production mondiale atteint le record de 95 millions de barils/jour grâce au mélange entre le pétrole traditionnel et le non conventionnel comme le schiste, l’offshore, l’Arctique ou les sables bitumineux. Les pétroliers extraient un maximum avec l’objectif de payer les factures les plus urgentes et de survivre un mois de plus.
Du côté de la demande, la baisse des importations chinoises, la faiblesse de l’activité économique mondiale, la désindustrialisation et l’efficience énergétique diminuent l’appétit.
Par le passé, l’Arabie Saoudite tenait le rôle de gendarme mondial avec sa capacité et sa volonté de moduler sa production pour coller à la demande. Le plus grand producteur mondial a abandonné cette régulation sans trouver de remplaçant. C’est à se demander comment il est possible de laisser sans gouvernance une matière première aussi stratégique.
Le pétrole prit entre l’enclume et le marteau
Le pétrole s’est imposé comme la matière première essentielle au développement de notre Economie et plus particulièrement dans les transports avec une part de marché de 95%. Si les bateaux, camions, trains ou avions étaient privés de ce combustible, le monde s’arrêterait pratiquement de tourner. Même pour extraire du pétrole, du charbon, de l’uranium, du gaz ou pour produire de l’électricité, des éoliennes, du solaire, le pétrole est incontournable. Nous avons basé notre économie sur la présomption et l’idéal qu’il était inépuisable.
Depuis 150 ans, des quantités phénoménales de pétrole ont été extraites selon le concept des fruits les plus accessibles en premier. Aujourd’hui, il faut une échelle et elle ne suffit bientôt plus.
Si au début du 20è siècle, il faillait 1 baril de pétrole pour en extraire 100, le schiste ou le bitume nécessitent 1 baril pour en produire entre 3 et 10. D’un pétrole léger qui affleurait le sol, nous devons actuellement creuser à plus de 3-4-5'000 mètres avec des techniques de plus en plus onéreuses. Alors que les coûts d’exploitation stagnaient à 10$ le baril au début des années 2000, ils ont été multiplié par 5 et parfois 10. Le découplage actuel entre le prix de vente et le prix de production détruit l’industrie alors que dès que le baril passe sur les 100$, il électrocute la croissance et cette fois c’est l’Economie qui s’écroule.
Substitution, Electrification et Consommer local
Dans le domaine des transports, la tendance est à substituer le pétrole par l’électricité. Si l’idée peut sembler réaliste pour les vélos, les motos ou les voitures, les batteries actuelles permettent difficilement de transporter les lourdes charges des camions, des avions de ligne ou des bateaux cargos, même si certains constructeurs comme Proterra tente une incursion sur le sujet.
D’autres technologies, comme l’hydrogène font leur bonhomme de chemin mais de l’eau va devoir couler sous les ponts avant d’obtenir des résultats solides.
Une résultante semble inéluctable et rappelle le peak à 147$ de 2008: la diminution des transports de marchandises et un ralentissement des échanges internationaux. Le «consommer local» pourrait devenir très tendance.
Chevy_Bolt
Chevy Bolt : 100% électrique
Recherche Homme d’Etat
Devant la tempête qui s’annonce, le pragmatisme suggèrerait de minimiser l’impact économique du pétrole sur les entreprises et les citoyens.
La Norvège, la Finlande et la Suède sont en train de réduire drastiquement leur dépendance au pétrole. En octobre, la Hollande va voter sur l’interdiction de la vente de voitures à essence/diesel dès 2025. La Chine s’est lancée dans un programme à son échelle.
Les USA conscients de ce problème tentent de réinstaurer les trains électriques et se profilent dans d’électrification des véhicules. Même le dinosaure General Motors, propose une solution avec la Chevy Bolt à 37’000$ qui concurrencera la nouvelle Tesla.
En Europe, la France fait de la France. L’Allemagne pompe le gaz/pétrole russe et la Suisse fait rimer son programme d’énergie 2050 avec green washing. Tous ces pays sont dans l’attente de voir émerger dans cette bouillabaisse d’hommes politiques un homme d’Etat capable de relever les défis sans avoir les yeux rivés sur les sondages. Dans le renouvellement politique qui s’annonce aux quatre coins du monde , une perle rare pourrait émerger.
En attendant, le pétrole s’approche de l’œil du cyclone.