Le pétrole est-il en train de se transformer en plastique ?

On pourrait l’appeler la COP du plastique. Le quatrième des cinq rounds de la négociation lancée par l’ONU pour un traité mondial sur les plastiques s’est déroulé à Ottawa, avec 3'500 participants et 170 pays. L’objectif était de trouver un consensus afin de diminuer la pollution due aux plastiques.

Le plastique est une pure émanation du pétrole et du gaz. Sans eux, pas de polyéthylène, pas de PET ou de composants synthétiques. 

 

Ne pas laisser de l'argent sans les sols

Pour défendre l’industrie, 196 lobbyistes ont participé à la négociation avec la mission de retarder toute initiative qui pourrait diminuer la quantité de nouveaux plastiques commercialisés.

L’enjeu est énorme pour les pétroliers car l’arrivée des véhicules électriques et les énergies renouvelables font peser la menace d’une diminution de la demande mondiale. L’Agence internationale de l’énergie envisage ce basculement d’ici à 2030. Cette baisse a le potentiel de mettre en difficulté les pays de l’OPEP et certains pays extracteurs dont la Russie ou la Norvège. Laisser autant de richesses dans les sous-sols, c’est enterrer un trésor.

Ainsi, la diversification de la consommation devient une composante stratégique et la pétrochimie offre l’avantage de pouvoir écouler le pétrole et le gaz de manière «raffinée». Sous leur impulsion, la demande mondiale de matières plastiques, qui représente 50% de la production pétrochimique, devrait presque doubler d’ici à 2050. La pétrochimie, avec ses pesticides, engrais et plastiques, est devenue le secteur qui contribue le plus à la croissance mondiale de la demande pétrolière depuis 2019. La prolifération d’usines montre le basculement qui est en train de s’opérer.

Ainsi, au sein des BRICS, l’Arabie saoudite, l’Iran et la Russie ont optimisé les filières. L’envoi de pétrole aux entreprises pétrochimiques chinoises permet de minimiser des coûts et d’augmenter les marges finales.

 

Baisse de pétrole de bonne qualité

De plus, avec l’assèchement des gisements, le monde extrait de plus en plus de pétrole de moins bonne qualité, tel le schiste américain. Ce brut léger n’est pas assez riche pour obtenir les précieux kérosène ou diesel, par contre, il convient à merveille pour la fabrication de polyéthylène.

Les marges sont telles que la pétrochimie arrive à mettre sur les marchés un plastique neuf 35% moins cher que la version recyclée. Cette différence offre trois avantages: ne pas se faire cannibaliser par le plastique recyclé, freiner l’émergence d’avancées technologiques avec des solutions durables et rendre le plastique neuf incontournable.

En effet, celui-ci est financièrement préférable pour les Nestlé, Coca-Cola, L’Oréal, Procter & Gamble ou Unilever, face à une version recyclée ou à d’autres matériaux comme le verre. Pour les industriels, transférer les coûts de nettoyage et de recyclage à la société et aux services publics est une aubaine.

 

Les pétroliers en charge de la communication

Assistée par les grandes majors pétrolières, comme l’américaine ExxonMobil, la communication est aiguisée. «Le problème, c’est la pollution, ce n’est pas le plastique. Une limitation de la production ne sera d’aucune utilité en termes de pollution et d’environnement», selon Karen McKee d’ExxonMobil. Son entreprise produit 11,2 millions de tonnes de polyéthylène par année.

L’industrie a d’ailleurs lancé plusieurs entités afin de multiplier les angles de communication, comme l’Alliance mondiale pour la durabilité du polystyrène qui porte le message du recyclage et de la durabilité. Dans le monde, 90% du plastique n’est pas recyclé

Le béton, l’acier, les engrais et les plastiques sont les quatre piliers de notre économie. Vouloir se passer du plastique est illusoire.

Cependant, les quantités astronomiques actuellement produites dépassent largement les besoins réels alors que nous retrouvons les microplastiques sur nos glaciers et dans notre nourriture.

Les grandes institutions comme l’ONU, où règne la désorganisation, ne font pas le poids face aux rouleaux compresseurs et aux impératifs financiers des producteurs de pétrole; et comme Washington refuse toute réglementation, l’affaire semble être dans le sac… en plastique.

 

Rubrique publiée dans le journal Le Temps

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