Pour gouverner le monde, la course à l’énergie a débuté

Durant l’été, il n’y a pas que la météo qui a vu son encéphalogramme s’affoler. La géopolitique mondiale devient tout aussi erratique et imprévisible. Histoire de faire monter la température, les BRICS – Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud – ont invité six nouveaux pays dans leur club, pendant que le G7 et le G20 traversent une période de sécheresse, Vladimir Poutine et Kim Jong-un jouent les pyromanes sous les yeux usés du duo Trump-Biden.

 

Ces événements façonnent une nouvelle donne stratégique. Américains et Européens cherchent à sauvegarder un ordre international qu’ils ont façonné, tandis que les BRICS proposent une communauté multipolaire où les Etats-Unis ne sont plus les seuls maîtres. Cette redistribution du pouvoir n’a rien à voir avec la course à l’armement visité lors de la Guerre froide du XXe siècle. Demain s’appuie sur un accès vital à l’énergie.

 

Coup de génie des BRICS

En effet, le concept de grandes puissances repose sur la maîtrise de l’arme atomique ainsi qu’un accès infini aux énergies fossiles, et prochainement renouvelables, pour soutenir les piliers économiques, sociétaux, militaires et technologiques. La guerre américaine en Irak en est le symbole.

Dans ce prérequis de dominance mondiale, la stratégie des pays du BRICS d’inclure les acteurs majeurs des hydrocarbures comme l’Arabie saoudite, les Emirats arabes unis et l’Iran porte les caractéristiques d’un coup de génie. L’ajout de l’Argentine permet de compter trois des cinq plus grands extracteurs de lithium du monde, aux côtés de la Chine et du Brésil.

L’histoire montrera si avec le contrôle de 42% du pétrole et un quasi-monopole du lithium et des terres rares, les BRICS +6 ont enclenché un processus de bascule.

 

Du côté des pays occidentaux, l’accès aux ressources a été concrétisé par le Partenariat pour la sécurité des minéraux. Cette initiative américaine, qui compte 13 pays alliés, a pour but de renforcer la sécurité énergétique future.

A contrario des BRICS, la grande majorité des minéraux et matières premières ne se trouvent physiquement pas sur leur territoire. Il faudra donc exercer une pression ou une persuasion pour y accéder. Dans ce domaine, l’activité du G7 contre l’Iran, le Venezuela et la Russie inquiète les autres pays extracteurs. Trouver un refuge dans la bulle des BRICS, qui représente plus du tiers de la population mondiale, permet de réduire, voire d’annuler, l’impact des sanctions occidentales.

Ainsi, ses membres explorent des moyens de contourner le dollar américain via le renminbi chinois ou la roupie indienne. Cette collaboration apporte de l’eau au moulin des ambitions de dédollarisation de l’économie mondiale. Même si le chacun pour soi domine, tous y trouvent un intérêt. La Russie et la Chine lorgnent les Etats-Unis, alors que les autres membres s’intéressent à l’amélioration de leurs économies et de leur développement sans fermer la porte à l’Occident.

 

Payer en yuan le diesel russe

Grâce à ces synergies, le gouvernement brésilien réussit à réduire le coût des carburants pour les transports afin de dynamiser son économie. Payé en yuan, le diesel russe abondant et bon marché est une aubaine.

Avec ses revenus pétroliers, l’Arabie saoudite investit lourdement dans le lithium et d’autres minéraux critiques au Brésil. Elle vient d’acheter une participation de 2,6 milliards de dollars dans le géant minier Vale pour accéder au nickel et au cuivre.

L’Iran commercialise son pétrole via le yuan ou la roupie pour échapper aux foudres de Washington.

 

Les grandes puissances

Dans les années à venir, le leadership américain et la multipolarité chinoise représentent les deux tendances qui vont s’affronter.

L’avantage semble passer du camp de la rigidité des accords ancestraux à la flexibilité de l’instant où chacun trouve son compte. Le passage d’une aire d’abondance à celle de la pénurie va rediriger les flots et rebrasser les cartes de la gouvernance du monde.

Nul doute que, pour les grandes puissances, la capacité d’accéder aux énergies va se transformer en obsession.

Initialement publié dans le journal Suisse Le Temps

 

 

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