Arabie Saoudite: Le sport dans l’empire d’essence
L’Arabie saoudite investit des sommes astronomiques pour attirer les manifestations sportives les plus prisées et les athlètes renommés, aux millions de followers. Si en Occident, ces montants génèrent de la jalousie et de l’étonnement, c’est bien notre addiction pétrolière qui fait rimer cette indécence avec plein d’essence.
Etat Paria à Etat Pivot
Endossant le rôle d’Etat paria après l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi, le déclenchement de la guerre au Yémen et en raison d’une notion singulière des droits humains, le gouvernement de Riyad a d’abord été écarté de la scène internationale.
Comme pour anticiper la fin du règne de l’axe américano-européen, l’Arabie saoudite s’est stratégiquement repositionnée comme pays pivot entre les pays occidentaux et l’Asie.
Si l’Europe a toujours considéré que les relations internationales sont faites d’alliances pérennes, aujourd’hui, dans un élan de chacun pour soi, les amitiés de circonstances se font et se défont. Comprenant ces changements de paradigme, Riyad fait preuve d’une capacité d’adaptation remarquable d’autant qu’en présence d’une inflation mondiale incontrôlable et avec la perspective d’une récession économique globale, l’histoire montre que l’élixir qui permet de remettre le moteur en marche, c’est le pétrole.
Dans ce contexte, et avec une Russie à la peine, les gisements d’Arabie saoudite font l’effet d’un pot de miel qui attire les dirigeants et les banquiers du monde entier.
Une Vision Grandiloquente
Cependant, pour réaliser ses ambitions, le prince héritier, Mohammed ben Salmane (MBS) doit générer une quantité importante de pétrodollars et pouvoir compter sur une paix relative au Moyen-Orient.
Financièrement, son projet Vision 2030, qui prévoit la construction de villes futuristes, la diversification de son économie et l’organisation d’événements mondiaux, a besoin d’un baril au-dessus de 81 dollars. Début juin, la diminution des quotas pétroliers de l’OPEP +s’est inscrite dans cette stratégie.
Depuis des décennies, le cartel du pétrole rêve de pouvoir maîtriser les cours et de les maintenir à un niveau assez élevé pour faire entrer suffisamment de devises, et assez bas pour ne pas faire dérailler l’économie mondiale. La perspective d’une récession et d’un baril à 40 dollars le fait frémir.
Dans ce contexte, créer une concurrence entre les différents pays importateurs d’hydrocarbures est une arme ingénieuse. Ce processus ouvre des opportunités de partenariat notamment du côté des Chinois, pour accéder à des financements internationaux afin de faciliter cette mutation. Même si les montants paraissent démesurés, ils reposent sur une stratégie méticuleuse en réponse aux défis politiques, militaires, économiques et sociaux du Royaume.
Une superpuissance sportive
En effet, l’émergence de son statut de superpuissance sportive génère un enthousiasme considérable surtout auprès des 70% de sa population qui ont moins de 35 ans.
L’arrivée des Benzema et Ronaldo, des meilleurs golfeurs du monde, des Jeux asiatiques d’hiver 2029, voire de la Coupe du monde de football de 2030, pourrait précipiter une ouverture sur le monde avec de nouvelles libertés et opportunités pour le peuple.
A l’international, le sport et ses athlètes rois des réseaux sociaux ont la capacité de susciter un capital sympathie et de faire oublier les problèmes et les contentieux. Ce changement de cap, aussi audacieux que décisif, propose une diversification économique du tout pétrole vers des marchés nouveaux comme le tourisme.
Un château de carte ou de sable
La stratégie de MBS conduira-t-elle l’Arabie saoudite au firmament ou à la faillite?
La réponse se révélera dans les années à venir, mais elle ne dépendra pas entièrement de sa volonté. La demande mondiale de pétrole et de gaz ainsi que leurs prix seront déterminants.
Cependant, le réchauffement climatique, généré par les énergies fossiles, aura peut-être le dernier mot. Sous ces latitudes, année après année, les températures deviennent de moins en moins propices à la pratique du sport et encore moins à la vie.
Et si tous ces châteaux de cartes ne se transformaient finalement qu’en châteaux de sable?
Egalement plublié dans le journal le temps du 15 juin