Ces banques engluées dans le pétrole
Le pétrole est très joueur et se cache souvent là où on ne l’attend pas. Quand on s’y colle, l’éventualité de se retrouver englué est aussi élevée que les bonus des managers d’une banque prête à faire faillite.
L’image est particulièrement visuelle avec un oiseau lors d’une marée noire, alors que son impact auprès des institutions financières est souvent passé sous silence.
Les crises économiques et pétrolières
Depuis les années 1970, le pétrole est désigné suspect numéro dans la quasi-totalité des crises financières et 2008 se classe parmi les chefs-d’œuvre.
De janvier 2007 à septembre 2008, sous la pression d’une surchauffe de l’économie, la demande pétrolière n’a cessé d’augmenter au point de surpasser les capacités d’extraction et de s’engager dans une spirale haussière.
D’un baril à 50 dollars, le pétrole grimpa sur la barre des 100 dollars pour terminer sa course à 147.
Ce phénomène enclencha une inflation chronique via un renchérissement du coût des transports et du fameux panier de la ménagère. Pour contrer ce phénomène, les banques centrales, dont la Fed américaine, durent utiliser la seule arme à disposition: l’augmentation des taux d’intérêt. Incapables de rembourser les primes de leurs hypothèques, les propriétaires immobiliers firent exploser la machine infernale inventée par les financiers: ce fut la crise des subprimes.
Economie secouée, inflation boostée
Il aura fallu attendre l’arrivée du schiste américain pour aider au redémarrage du moteur de la consommation mondiale. Cette aubaine ouvrit un nouvel eldorado pour les banques.
Là encore, l’opportunité de se faire engluer n’avait pas échappé aux financiers. Au cœur de ce système: BlackRock et la Banque nationale suisse.
Bien que la charte des placements financiers de la BNS stipule «qu’elle s’abstient d’acheter des actions d’entreprises qui causent de manière systématique de graves dommages à l’environnement», elle s’engouffra dans des achats massifs d’hydrocarbures de schiste et de charbon sur le marché américain.
Mis devant le fait accompli avec une liste complète des actions détenues, son président Jean Studer et son directeur Thomas Jordan refusèrent d’expliquer ce comportement non éthique en contradiction avec leur charte et étouffèrent les milliards de pertes englouties par les faillites d’entreprises pétrolières.
Comme punition, Thomas Jordan fut nommé président de l’institution.
Un Frankenstein couplé avec le pétrole
Aujourd’hui, une fois encore, une crise énergétique secoue l’économie et booste l’inflation. Rien de plus normal.
Ce qui a réellement mis Credit Suisse dans une situation difficile: l’effet domino de la hausse des taux d’intérêt. Une hausse annoncée depuis des mois et qu’aucun des 13 hauts dirigeants de la banque n’a vue venir.
L’histoire eut été belle si les dirigeants s'étaient occupés à trouver des solutions. La réalité est autre, puisque 104 millions de bonus étaient à l’agenda de la prochaine assemblée générale.
Coïncidence toute pétrolière, les actionnaires principaux ne sont autres que les pétromonarchies d’Arabie saoudite et du Qatar.
Ainsi, la nouvelle UBS porte le cercueil d’une banque morte au combat parce que les taux sont montés. Le monstre qui vient de naître a toutes les caractéristiques pour se transformer en Frankenstein, d’autant que juste avant cette annonce l’agence américaine de l’énergie a confirmé que les Etats-Unis devraient atteindre, d’ici à 2025, un plateau de production pétrolière de 12,5 millions de barils par jour.
L’inquiétude vient du taux de déplétion trop rapide des gisements, a souligné le pétrolier Chevron.
De son côté, à cause de l’embargo occidental, la Russie ne va pas pouvoir alimenter le monde de ses hydrocarbures de schiste qui étaient censés prendre le relais des américains.
Dans quelques mois, au sortir de la récession qui se présente, faut-il préciser que le pétrole pèsera de tout son poids sur la croissance économique et que la Suisse des banques et du politique ne se sont absolument pas préparés aux changements qui arrivent?
La malédiction du pétrole ne s’applique pas uniquement aux pays producteurs. Les pays trop riches et incapables de s’adapter font également partie de ses victimes.