Quels plans pour sortir de la crise ?
Partie comme elle est, l’Europe pourrait bien largement dépasser ses ambitions de réduction de CO2 d’ici à 2050. Pas par ambition climatique, dont personne n’a cure, mais par manque d’accès aux énergies fossiles.
Depuis l’éclatement de la guerre en Ukraine, la stratégie énergétique de la Commission européenne se conjugue en réactions et coups de sang. Les dirigeants politiques rivalisent de surenchères pour demander un abandon immédiat, et non préparé, des accès aux matières premières russes.
Ils s’appuient sur une doctrine où le gaz et le pétrole sont interchangeables, en quantité illimitée et de facto sur une croissance économique.
Dans un monde où les énergies fossiles deviennent de plus en plus rares, donc stratégiques, rien n’est plus faux. Ce qui interpelle, c’est l’absence d’un plan B, comme l’absence d’une planète B pour le climat. La comparaison est frappante.
Se débarrasser du pétrole et gaz russe pour le bonheur de Pékin
En Occident, il est devenu toxique de consommer des énergies russes même si l’Ukraine ne s’en prive pas. L’objectif est de ne pas être pris en flagrant délit de financer le Kremlin. Le concept se tient mais a frontalement touché les géants de l’énergie.
Shell s’est vu ordonner l’abandon de ses 27,5% d’actions dans le gisement gazier de Sakhaline-2 avec une perte estimée à 5 milliards de dollars. L’américain ExxonMobil va abandonner ses 3,4 milliards dans les gisements de Sakhaline-1.
Corollaire à ses décisions, les pétroliers chinois CNOOC, CNPC et Sinopec se retrouvent être les seuls acheteurs des parts de Shell et d’Exxon avec l’ambition de mettre la main exclusive sur les fantastiques réserves de schistes sibériens. Dans les coulisses on parle «d’une négociation cauchemardesque et d’une vente au rabais».
La Chine rachète au rabais pour sa vison 2049
Le réalisme chinois s’est également illustré lors de l’annonce par Bruxelles de l’abandon du charbon russe. Il n’aura fallu que quelques jours pour que Pékin claironne l’abolition des taxes d’importation sur le charbon, histoire de couper l’herbe sous le pied des Européens.
Les tendons d’Achille des Occidentaux sont d’autant plus visibles que Pékin prend appui sur chaque faux pas.
Publiquement affiché, l’objectif de la Chine est de devenir la première puissance mondiale d’ici à 2049. En quinze ans, Pékin est devenu le leader mondial des énergies renouvelables, des terres rares, des voitures électriques et du stockage d’électricité.
Aujourd’hui, grâce à des acquisitions au rabais, Xi Jinping s’assure un accès exclusif aux plus grandes réserves énergétiques et s’offre des conditions-cadres pour trouver une piste de sortie face à la stagflation qui s’installe.
A l’Ouest, la majorité des gisements américains de schiste sont en décroissance, même si les politiques européens s’obstinent à présenter le gaz de schiste comme panacée. In fine, pour combler leurs propres besoins, les Etats-Unis cesseront de partager leurs hydrocarbures avec l’Europe.
Avec des découvertes pétrolières, au plus bas depuis 70 ans, le plan B de l’industrie ne repose pas sur le schiste américain mais sur celui de la Russie.
Double crise économique et énergétique
Dans cette double crise économique et énergétique, comment Bruxelles s’en sortira d’autant qu’elle a transféré la production des technologies propres dans les industries asiatiques?
A force de remettre à demain sa transition énergétique, l’Europe, y compris la Suisse, s’est mise dans une position de ne pouvoir que marquer des autogoals.
Le plus remarquable est que les dirigeants, qui nous ont conduits dans cette impasse et qui proposent maintenant des solutions, sont les mêmes! Ils justifient déjà leurs erreurs et celles à venir grâce à la guerre en Ukraine.
Devant ce cafouillage, les promesses politiques européennes de croissance et d’un avenir radieux deviennent intenables. Janet Yellen, la secrétaire américaine au Trésor, a «exhorté l’Europe à être «prudente» avant d’imposer une interdiction totale des importations d’énergie russe». Elle met en garde «contre les dommages potentiels qu’une telle mesure pourrait infliger à l’économie mondiale».
Contrairement au climat, dans le monde de l'Economie et des énergies, il ne reste pas trois ans pour trouver un plan B.