Un joli mois de «mais» pour les pétroliers!
Pour les cinq grandes compagnies pétrolières et gazières privées BP, Shell, Total, Chevron, ExxonMobil, mai 2021 a le potentiel historique d’être marqué d’une pierre noire. Au travers d’un élan porté par la pandémie de Covid-19, de pertes cumulées de 77 milliards de dollars, du réchauffement climatique et de l’émergence du tout électrique, leurs actionnaires ont obtenu des changements incisifs lors des différentes assemblées générales.
Ainsi, elles sont priées de sortir du tout hydrocarbure pour s’inscrire dans un monde nouveau. Même les hackers se sont mêlés à la fête. Sous l’emprise d’une cyberattaque, le pipeline Colonial a été forcé de payer une rançon de 5 millions de dollars pour retrouver la liberté.
Finalement, le coup de massue est venu des membres du G7, qui ont inclus les pétroliers dans la liste des multinationales soumises à l’impôt. L’habileté des majors dans l’évasion fiscale n’a d’égale que leurs aptitudes à obtenir des subventions.
La transition pour rester en vie
Les coups de boutoir portés sur le plan juridique et surtout à la gouvernance des majors ont le potentiel d’activer plus rapidement la pénurie d’approvisionnement dans les années à venir et d’avancer le pic de l’offre. En effet, les compagnies vont devoir réduire leurs portfolios de gisements et d’actifs pour ne garder que ceux qui génèrent un potentiel de profitabilité maximale. Les marges devront couvrir leurs transitions avec l’objectif de rester en vie sur le long terme.
Sur le terrain, Royal Dutch Shell a perdu un procès historique devant un tribunal néerlandais. Si le verdict est confirmé, une réduction de 45% de ses émissions de gaz à effet de serre sera exigée d’ici à 2030.
Ce premier jugement est considéré comme un signal d’alarme pour le reste de l’industrie pétrolière, indiquant une exposition légale aux émissions de gaz à effet de serre. Si la justice européenne est financièrement peu tranchante, la perspective d’un pareil procès sur sol américain défie l’imaginaire. Par ricochet, l’industrie gazière, qui a dissimulé pendant de nombreuses années ses émissions de méthane, se retrouve dans une situation délicate.
Du côté des Etats-Unis, c’est le fonds d’investissement Engine No. 1, qui a réussi à appointer deux nouveaux membres dans le conseil d’administration d’ExxonMobil. L’objectif est d’actionner la diversification hors fossiles. Cette décision avait été combattue par Darren Woods, mais rien ne focalisera plus l’esprit du PDG que la possibilité de perdre son emploi.
Opportunités et craintes des pays producteurs
Du côté des pays producteurs, l’abandon du pétrole par les compagnies privées résonne à la fois comme une bonne et une mauvaise nouvelle. Si la perspective de conquérir les parts de marché d’un concurrent défunt est réjouissante, ces pays manquent de technologies et d’innovation. On en veut pour preuve la difficulté de la Russie à exploiter ses gisements Arctiques sans l’aide des Exxon ou BP.
Histoire de maintenir l’intérêt du pétrole et du gaz et de freiner la transition énergétique, Moscou vient d’annoncer que ses réserves pétrolières pourraient maintenir le flux actuel jusqu’en 2080. L’OPEP tend également à rassurer les Economies carbonées. Il reste assez d’hydrocarbures.
Dans cet élan d’optimisme, la dernière banderille aura été plantée par l’Agence internationale de l’énergie. Elle a présenté sa proposition «Net Zero by 2050», qui demande aux pays importateurs et aux investisseurs de ne plus financer de nouveaux projets d’approvisionnement en pétrole, gaz et charbon.
Dans cette ambiance, la question la plus délicate pour les gouvernements sera de trouver le moment optimal afin d’effectuer leur transition hors des énergies fossiles, tout en évitant une casse sociale et économique.
Ils devront également résister aux sirènes des pays qui feront le pari de ne pas s’y engager ainsi qu’à la peur du changement. A y regarder de plus près, ce joli mois de «mais» n’a pas été uniquement réservé aux pétroliers.