L’Arabie saoudite et son pétrole: «Too big to fail»

Grâce à une protection américaine rapprochée et à son potentiel d’extraction de 12 millions de barils par jour d’excellente qualité, l’Arabie saoudite est le garant et l’ambassadeur mondial du pétrole. Paradoxalement, la malchance et les mauvaises décisions s’accumulent sur le jeune prince Mohammed ben Salman (MBS) chargé du gouvernement depuis sa nomination par son père, le roi.

Cette baisse de régime et l’attaque de deux installations pétrolières stratégiques par des drones pourraient-elles marquer le début de la fin pour le pétrole face aux énergies renouvelables?


Incapable d’égaler la puissance de feu des Etats-Unis et de répliquer à la «pression maximale» imposée par Washington, l’Iran joue en subtilité et pragmatisme. Afin de diffuser la douleur des sanctions américaines sur les autres pays, Téhéran joue sur le registre «si tu m’attaques, j’attaque tes amis».

Dans ce rôle, l’Arabie saoudite et son prince sont des proies idéales. Ainsi, ces derniers mois, Riyad a subi une série d’attaques chirurgicales sur ses installations pétrolières. Ces opérations étaient autant visuelles, pour montrer la vulnérabilité du pays, que minimalistes pour ne pas risquer de s’attirer des représailles.

 

Pour une poignée de drones

Il n’aura fallu qu’une poignée de drones et quelques missiles pour ridiculiser le budget militaire annuel saoudien de 70 milliards de dollars et diviser la capacité d’exportation pétrolière par deux. Cette semonce raisonne comme un coup de poing sur la table qui a fait s’écrouler la forteresse saoudienne comme un château de sable.

Si l’Iran est attaqué, Téhéran et ses alliés ont le potentiel de paralyser les exportations pétrolières de l’Arabie saoudite et, par ricochet, d’électrocuter le système économique mondial.

Coïncidence ou pas, moins d’une semaine avant l’attaque, MBS avait remercié Khalid al-Falih, ministre de l’Energie et président de l’entreprise Saudi Aramco. Sous sa gouvernance, l’entreprise pétrolière nationale était devenue le producteur le plus efficace du marché. Depuis 2016, il a adroitement géré la complexité de la volatilité des prix du baril sur les marchés.

Pour le remplacer, MBS a fait appel à deux proches: son demi-frère Abdulaziz ben Salman, qui n’a jamais travaillé pour la multinationale, et Yasir al-Rumayyan catapulté PDG de Saudi Aramco et dont l’expérience se résume au management d’un fonds souverain. Dans ce contexte, cette réorganisation interne arrive au plus mauvais moment.

Dépendant à presque 90% des revenus du pétrole et du gaz, MBS ne peut compter que sur l’or noir pour satisfaire ses ambitions, d’autant qu’un baril à 85 dollars est nécessaire pour équilibrer le budget du royaume. En 2020, il devrait lancer la vente de 10% des actions de Saudi Aramco avec l’objectif de récolter entre 130 et 200 milliards de dollars.

Avant l’attaque, les financiers internationaux regardaient cette opération avec «intérêt» et «retenue». Il n’est pas illusoire de penser que le mot «intérêt» a également été touché par les drones.

 

IPO à 60 milliards de dollars

Cependant, MBS a sorti une carte secrète que seule une monarchie possède. Alors que les familles les plus riches, dont le prince Al-Waleed ben Talal, avaient été emprisonnées et relâchées contre des sommes faramineuses qui totaliseraient plus de 100 milliards de dollars, le prince leur demanderait maintenant de participer à cette IPO à hauteur de 60 milliards de dollars où 3% des actions.

 

La situation de l’Arabie saoudite reflète la vulnérabilité de l’économie mondiale qui repose intégralement sur le pétrole et le gaz au point de devenir «too big to fail».

La révolution industrielle a été bâtie sur l’équation: plus d’hydrocarbure = plus de croissance. La modification de cette équation reste une inconnue d’autant que cette dépendance devient de plus en plus toxique tant pour le climat que pour notre économie.

Mais soyons honnête: devenus trop gras pour bouger, peu de pays s’y attellent. L’histoire nous montrera l’influence de cette attaque sur le basculement, ou pas, vers les énergies renouvelables et l’efficience énergétique.

En général, le destin ne se préoccupe pas de notre état de préparation, et dernièrement, il a pris l’habitude de frapper avec des drones à moins de 15 000 dollars.

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