Nucléaire: La pause?
Editorial: Pierre Veya. Le Temps:
La catastrophe nucléaire qui se déroule sous nos yeux au Japon, dont on ignore encore les conséquences réelles, est suffisamment grave pour que l’on procède à une pause dans la relance de la filière
La catastrophe nucléaire qui se déroule sous nos yeux au Japon, dont on ignore encore les conséquences réelles, est suffisamment grave pour que l’on procède à une pause dans la relance de la filière. Car cette fois, bien plus que l’incompétence humaine, il s’agit de réexaminer la vulnérabilité des installations atomiques.
S’il est encore trop tôt pour renoncer définitivement au déploiement de cette forme d’énergie, la Suisse et l’Allemagne sont sages de décréter un nouveau moratoire politique et technique. Pendant trop longtemps, on n’a pas voulu croire les opposants à l’atome, qui insistaient sur les risques non conventionnels qui enrayent des systèmes complexes et provoquent une série de dysfonctionnements peu à peu ingérables. Les matériaux fissibles forment des poisons qui, une fois relâchés dans les écosystèmes, polluent et tuent pour un temps si long qu’il est moralement discutable d’en autoriser le risque.
L’examen de la catastrophe permettra de définir de nouveaux scenarii extrêmes que l’on avait écartés, les jugeant statistiquement très improbables. Or l’imprévu s’est produit. C’est le propre des catastrophes. Même si les retombées radioactives devaient rester limitées, le spectacle des halles des réacteurs explosant sous la pression marquera l’histoire de l’atome civil autant que celui des pompiers ukrainiens et russes sacrifiant leur vie pour étouffer le feu du réacteur 4 de Tchernobyl.
Il y aura un avant et un après.
La maîtrise du nucléaire civil a progressé, avec les centrales de génération III, mais l’idée qu’il existe toujours des parades techniques, des redondances sans faille, est morte au Japon. Les enjeux sont considérables, en particulier pour les prochains clients de centrales nucléaires: la Chine, l’Inde, la Turquie, l’Italie ou le Moyen-Orient. Ils sont presque tous exposés aux secousses telluriques de fortes amplitudes. La sous-enchère pour leur vendre des réacteurs à tout prix a (peut-être) pris fin à Fukushima. Jusqu’ici, la relance de l’atome semblait la panacée pour répondre à leur demande d’énergie et réduire les émissions de CO2. La promesse était vaine et aventureuse. Le nucléaire civil est une belle invention mais, par nature, exige des précautions exceptionnelles qui en limitent l’expansion.
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