Les «négociations secrètes» Françaises autour du nucléaire avec des électriciens chinois
Le géant français ED est très embarrassé par la publication dans le Nouvel Obs et le Canard Enchaîné d'informations sur les «négociations secrètes de son PDG Henri Proglio» avec des électriciens chinois. Afin de pouvoir vendre son EPR, le Nucléaire français ne peut compter que sur les chinois avide de comprendre le fonctionnement de la technologie tricolore afin de la copier dans la décennie à venir. Les français qui viennent de renoncer à participer à une offre public Anglaise pour la construction de 2 Centrales atomiques se sont vu écartés de la construction d'un nouveau réacteur en Finlande. Il y a comme ça des semaines où rien ne va!
En France à de rares exceptions, les médias passent ces informations sous silence. C'est avec plaisir que nous publions l'article de LaTribune.fr et du Nouvel Obs. Il permet de mieux comprendre les coulisses du nucléaire français.
Par Marie-Caroline Lopez, Le Tribune.fr - Le service de presse d'EDF n'a pas épargné ses efforts ces derniers jours pour tuer dans l'œuf le risque de polémique. Et a parfaitement réussi. Aucun journal, ou presque, n'a repris les dernières «révélations» de l'Obs et du Canard Enchaîné sur les «négociations secrètes» d'Henri Proglio autour du nucléaire avec des électriciens chinois. Le Nouvel Obs du 27 septembre a publié des extraits d'un projet d'accord bipartite entre EDF et son partenaire CGNPC, alors que l'Elysée a intimé l'ordre à EDF d'inclure Areva dans ses négociations avec les Chinois.
EDF "souhaite mettre l'Etat devant le fait accompli"
Le Canard du 3 octobre 2012 publie la suite: une note de l'APE (l'Agence des participations de l'Etat), la tutelle d'EDF à Bercy, intitulée «alerte relative à un projet d'accord de coopération entre EDF et CGNPC». «Il est plus que regrettable qu'EDF souhaite à nouveau mettre l'Etat devant le fait accompli alors que les dirigeants de l'entreprise sont conscients que la signature de ce projet d'accord ne peut se faire sans l'autorisation de l'Etat», écrit le numéro deux de l'APE dans l'extrait de la note reproduite.
Les deux articles brossent le tableau d'un Proglio prêt à livrer contrats et secrets du parc nucléaire français aux Chinois, dans l'espoir de s'allier les seuls électriciens du monde qui continuent à construire des réacteurs. Quitte, au passage, à léser les intérêts du constructeur nucléaire hexagonal, Areva.
Un "vieux" projet, selon EDF
Pour EDF, il n'y a pas d'affaire! Ou du moins, il n'y en a plus. «Ce projet d'accord a été présenté au conseil d'administration du 11 avril 2012 mais a été retoqué. C'est donc terminé! Il n'y a plus de sujet», affirme une porte-parole. C'est, presqu'au mot près, ce qu'avait affirmé l'électricien en janvier dernier lorsque le même Nouvel Obs avait publié un «projet d'accord» -déjà!- entre EDF et le même CGNPC, datant lui de 2010. «Ce texte n'a pas été signé. C'était juste un projet. Il est maintenant enterré».
Une affaire en cours, selon un administrateur d'EDF
EDF reconnaît néanmoins aujourd'hui que le texte de 23 pages dévoilé fin septembre par l'Obs est bel et bien «la suite» du précédent, qui n'était, lui, qu'un «protocole d'accord» de 5 pages. Loin d'être enterré, ce protocole a donc été travaillé et approfondi pour donner le texte de 23 pages! Et il y a de grandes chances pour que cela soit aussi le cas pour le projet d'accord soi-disant «retoqué» par le conseil d'EDF en avril. «Ce texte n'a absolument pas été retoqué le 11 avril pour la simple raison qu'il n'était pas soumis à décision. Il nous a été présenté dans le cadre d'un point d'information», affirme un administrateur à La Tribune.
"Pas discussion sur le réacteur franco-chinois sans Areva !"
Mais sur quoi portent donc ces fameux accords qui se discutent depuis 2010? Le développement d'un réacteur de 1.000 MW franco-chinois? «Pas du tout! Toutes les discussions autour du futur 1.000 MW se déroulent avec Areva, conformément aux directives du conseil de politique nucléaire», affirme EDF. Assertion confirmée par Areva par un très discret «tweet». «Contrairement à ce qu'affirme le @canard_enchaine , #EDF et #AREVA travaillent en étroite coopération sur un nouveau réacteur 1000 MW», gazouillait le constructeur nucléaire le 3 octobre.
A terme, des équipements chinois dans les centrales françaises
Alors quoi? EDF voudrait s'émanciper d'Areva pour passer aux Chinois des contrats de maintenance, d'ingénierie et de fourniture d'équipements pour le parc de 58 réacteurs français? «Cela ne concerne pas le marché français, qui de toute façon est soumis au code des marchés publics», affirme EDF, sans vouloir pour autant préciser ce que ces négociations concernent. Pourtant Henri Proglio et Hervé Machenaud, le directeur exécutif groupe en charge de la production et de l'ingénierie, ne font pas mystère de leur conviction qu'un jour, la Chine fournira des équipements majeurs aux centrales françaises. Conviction qu'ils gardent de plus en plus pour eux, au moment où Areva lutte pour conserver un plan de charge dans ses usines françaises.
Accompagner les Chinois à l'export
En fait, ces discussions semblent concerner principalement les marchés «tiers». Désireux d'exporter leur savoir faire et leur filière nucléaire, les Chinois ne peuvent cependant prétendre se présenter seuls aux appels d'offres internationaux. D'où leurs discussions avec EDF, premier exploitant nucléaire mondial, et qu'ils pratiquent de longue date puisque l'électricien français leur a fourni leurs premiers réacteurs à la fin des années 80.
Pour Henri Proglio, l'intérêt d'un tel accord est évident, comme il l'a encore expliqué devant ses actionnaires en mai dernier. «EDF, Areva et les autres industriels français maintiennent leurs compétences industrielles au meilleur niveau en participant aux nouveaux projets en Chine, qui compte la moitié des réacteurs en construction dans le monde». Le jeu en vaut la chandelle, estime-t-il, même s'il faut en échange aider les Chinois à pénétrer les marchés internationaux. EDF a déjà fait savoir qu'il envisageant de répondre avec CGNPC au futur appel d'offres en Afrique du Sud.
Des co-investisseurs pour construire des EPR en Grande Bretagne
Encore plus intéressant pour EDF, Henri Proglio tente en ce moment de convaincre ses partenaires chinois de l'aider à financer les nouveaux réacteurs qu'il s'est engagé à construire au Royaume-Uni. Il y a urgence. L'électricien français doit donner son feu vert officiel à la construction de deux premiers EPR outre-Manche d'ici à la fin de l'année. Mais ils coûtent au moins 6 milliards d'euros pièce. Et son actuel associé, le britannique Centrica (qui détient 20% de l'ex-British Energy aux côtés d'EDF) ne cache pas ses réticences. Une question demeure. Si le but de ces discussions n'est pas honteux, pourquoi EDF en fait-il un tel mystère?
Marie-Caroline Lopez, LaTribune.fr