Gaz: Trump veut imposer sa puissance à l’Europe
L’approbation du projet de loi par le Sénat américain de nouvelles sanctions contre Moscou augure de la doctrine Trump: faire des USA la plus grande puissance énergétique de la planète.
Avec la délicatesse d’un éléphant, Washington veut interdire aux entreprises européennes de participer à la construction du nouveau gazoduc Nord Stream 2 qui reliera la Russie à l’Allemagne. Sans se démonter l’équipe Trump propose, en toute modestie, que l’Europe s’abreuve avec le gaz de schiste américain afin de créer des emplois aux USA et sauver financièrement ses entreprises gazières.
Pour mieux comprendre ce bras de fer, il est nécessaire de voir la question sous de multiples facettes.
Russie: Construction du gazoduc Nord Stream 2
Le déclenchement des hostilités a débuté avec le démarrage de la construction du gazoduc Nord Stream 2 entre la Russie à l'Allemagne. D'une capacité de 55 milliards m3/an dès 2019, le nouveau gazoduc suivra le tracé de Nord Stream 1.
Il y a un mois, les entreprises énergétiques européennes Engie, OMV, Shell, Uniper et Wintershall ont conclu l’accord avec le géant gazier russe Gazprom. Les entreprises européennes investissent le 50% des 9,5 milliards € nécessaires à cette construction.
USA: Make it Great Again
Les gaziers américains rêvent d’écouler en Europe et à prix fort leur surproduction de schiste. L’Europe, qui commercialise son gaz à des tarifs 4 fois supérieurs aux Etats-Unis, est une cible prioritaire d’autant que des gaziers de schiste américains continuent de perdre des sommes astronomiques.
De toute évidence, l’annonce de la construction de Nord Stream 2 et de l’augmentation de la dépendance énergétique Européenne face à la Russie bousculent les ambitions américaines.
La parade de Washington est venue via le Sénat qui utilise « l'ingérence présumée des autorités russes dans la campagne présidentielle de 2016 et du respect du Protocole de Minsk avec l’Ukraine », comme justes motifs afin de bloquer la construction de Nord Stream 2. Pour se faire les sociétés majoritairement allemandes et autrichiennes impliquées dans Nord Stream 2 sont lourdement sanctionnées.
Ainsi, les États-Unis ont l’intention d'entraver la mise en œuvre du projet Nord Stream 2 qu'ils considèrent « comme présentant des risques pour la sécurité énergétique de l'Europe, le développement du marché gazier en Europe centrale et de l'Est et les réformes énergétiques en Ukraine ».
Pour que cette loi entre en force, le président Trump et le Congrès doivent encore donner leur aval.
Ukraine : deux milliards $ en jeu
L’Ukraine perçoit presque 2 milliards $/an de la Russie pour le transport du gaz vers l’Europe. Le contournement de l’Ukraine permettra à Vladimir Poutine de diminuer sensiblement ces paiements et d’imposer les tarifs du marché pour les futures livraisons gazières à Kiev.
Pour bien marquer le territoire, Donald Trump a rencontré en personne le président Ukrainien Petro Poroshenko dans le bureau ovale et il s’est même fendu d’un tweet. C’est dire l’importance de la rencontre.
Allemagne: Tenir tête
Angela Merkel a balayé les réticences des pays européens comme la Pologne et les autres pays de l’Est face à la construction de ce gazoduc. L’intérêt Allemand prime sur les considérations européennes. Pour tenter d’augmenter la croissance et produire son électricité, Berlin privilégie une connexion directe entres les gisements gaziers russes et ses entreprises, quitte à froisser les autres membres de l’Union.
De plus, les puissants acteurs allemands comme BASF et le fournisseur d'électricité et de gaz E.ON sont engagées dans le projet Nord Stream 2.
Autriche : Blessée
Le géant autrichien OMV Aktiengesellschaft est l'un des pilier du pays et participe au consortium. Les USA ciblent directement cette entreprise dans leur démarche et comme Vienne est déjà très chatouilleuse sur les considérations territoriales, cette sanction ne fait pas du tout rire.
L’Europe : Le Financement de l’Ukraine et l’indépendance énergétique
Bruxelles voit d’un mauvais œil la réalisation de ce gazoduc notamment parce qu’il permet à l’Allemagne de bénéficier en primeur du gaz Russe, au nez et à la barbe des autres pays et accroit l’importance énergétique de la Russie sur le vieux contient.
On comprend également les réticences de l’Union Européenne, elle qui tient financièrement à bout de bras l’Ukraine. Avec l’argent des contribuables européens, Bruxelles devra combler le trou financier généré par la perte des droits de transports payés par Moscou.
Finalement, le gaz Russe produira plus de 120 milliards de kg de CO2 annuellement ce qui permettra de faire monter encore plus la température sur le continent alors que les thermomètres explosent déjà.
Donald Trump a promis d’imposer la puissance énergétique (Energy Power) des USA. Le premier test touche l’Europe. Est-ce que les européens plieront l’échine ou seront-ils capables de faire front. En ce qui concerne Bruxelles, on en doute. Pour l’Allemagne, sa compétitivité en dépend et l’on voit mal les industriels allemands ne pas se tenir tête à Washington.
L’été risque d’être chaud, très chaud!
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